Note d’introduction au dossier " Critique de la valeur, genre et dominations » dans la revue française Illusio, dossier qui comporte quatre textes :
- « La femme comme chienne de l'homme » par Robert Kurz.
- « Sade, prochain de qui ? », par Anselm Jappe.
- « Remarques sur les notions de " valeur " et de " dissociation valeur " », par Roswitha Scholz.
- « Le côté obscur du capital. " Masculinité " et " féminité " comme piliers de la modernité », par Johannes Vogele.
- « La femme comme chienne de l'homme » par Robert Kurz.
- « Sade, prochain de qui ? », par Anselm Jappe.
- « Remarques sur les notions de " valeur " et de " dissociation valeur " », par Roswitha Scholz.
- « Le côté obscur du capital. " Masculinité " et " féminité " comme piliers de la modernité », par Johannes Vogele.
Voir le Fichier : DossierCritiq_valeurIllusio.pdf
Sexe, capitalisme et critique de la valeur
Depuis quelques années, les écrits du courant dit de la « critique de la valeur » ont commencé à circuler en France, grâce aux premières traductions de l’allemand et de l’anglais (1) et aux premiers essais en français (2). Ce courant de pensée se développe en Allemagne depuis vingt ans avec de nombreux livres et les revues Krisis (depuis 2004) et Exit !. Une relecture de Karl Marx l’a amenée à élaborer une critique sociale contemporaine basée sur la mise en question de la valeur, de la marchandise, de l’argent, du travail et de l’État.
L’auteur le plus connu de la critique de la valeur, Robert Kurz, a examiné dans son oeuvre principale, " Schwarzbuch Kapitalismus. Ein Abgesang auf die Marktwirtschaft " (Le Livre noir du capitalisme. Chant funèbre pour l’économie de marché) (Eichborn, Francfort, 1999) l’histoire du capitalisme en tant qu’attaque systématique des bases de la vie humaine. La première partie de ce livre de 800 pages analyse, entre autres choses, la mise en place de l’idéologie libérale dans le contexte des Lumières, qui apparaissent alors sous un jour peu favorable aux projets d’émancipation. Nous donnons ici la traduction (due à Gérard Briche) d’un chapitre consacré au marquis de Sade (« La femme comme chienne de l’homme ») : il ne résume pas seulement certains des thèmes centraux de la critique de la valeur, mais il ouvre également une perspective critique sur un auteur – Sade – qui jouit aujourd’hui d’une réputation trop rarement questionnée.
Dans la continuité de ce texte, l’essai d’Anselm Jappe « Sade, prochain de qui ? » a pour objet le culte de Sade. En prolongeant les réflexions de Robert Kurz, il s’engage à démontrer que Sade était moins un auteur « subversif » qu’un prophète du capitalisme contemporain. La critique de la valeur a fait, dans son évolution, un pas décisif pour l’abandon de toute théorie simplement « objectiviste » avec l’élaboration de la théorie de la Wertabspaltung. Ce concept (qu’on peut traduire en français par « scission-valeur » ou « dissociation-valeur ») affirme que la société de la valeur et de la marchandise est fondée sur une scission préalable, et essentielle, entre ce qui appartient à la sphère de la production de la valeur et ce qui en est exclu, tout en en formant la présupposition muette, et que cette scission recoupe historiquement celle entre l’homme (travail, sphère publique) et la femme (foyer, sphère privée).
Cet élargissement de la théorie marxienne, qui va au-delà du féminisme tout en englobant ses apports fondamentaux, a été annoncé d’abord par Roswitha Scholz en 1992 avec un essai paru dans Krisis et intitulé « C’est la valeur qui fait l’homme ». Ensuite, Roswitha Scholz a élaboré cette théorie dans les livres " Das Geschlecht des Kapitalismus. Feministische Theorie und die postmoderne Metamorphose des Patriarchats " ( "Le sexe du capitalisme. La théorie féministe et la métamorphose postmoderne du patriarcat ") (Horlemann, Bad Honnef 2000) et " Differenzen der Krise – Krise der Differenzen. Die neue Gesellschaftskritik im globalen Zeitalter und der Zusammenhang von « Rasse », Klasse, Geschlecht und postmoderner Individualisierung " ( " Différences dans la crise – La crise des différences. La nouvelle critique sociale à l’époque globale et le lien entre la « race », la classe, le sexe et l’individualisme postmoderne ") (Horlemann, Bad Honnef 2005). Nous donnons ici la traduction (due à Johannes Vogele) du premier chapitre de " Le Sexe du capitalisme " (« Remarques sur les notions de “valeur” et de “dissociationvaleur” »).
Enfin, Johannes Vogele a résumé, dans son essai « Le côté obscur du capital. “Masculinité” et “féminité” comme piliers de la modernité », les points essentiels de la théorie de la valeur-scission sans passer par la médiation, parfois difficile, d’une traduction de l’allemand. L’ensemble de ce dossier a été préparé par Gérard Briche, Anselm Jappe, Wolfgang Kukulies, Luc Mercier et Johannes Vogele. On notera que cet ensemble de textes est paru dans l'ouvrage " Sexe, capitalisme et critique de la valeur " (M éditeur, 2012).
Des Wertkritikers...
Notes :
(1) Voir le " Manifeste contre le travail " du Groupe Krisis, Lignes, 2002, UGE 10/18, 2004 ; les livres de Robert Kurz : " Lire Marx ", La Balustrade, 2002 ; " Les Habits neuf de l’Empire. Remarques sur Negri, Hardt et Rufin ", Lignes, 2003 (avec Anselm Jappe) ; " Avis aux naufragés. Chroniques du capitalisme mondialisé en crise ", Lignes, 2005 ; " Critique de la démocratie balistique ", Mille-et-une Nuits, 2006 ; et Moishe Postone : " Marx est-il devenu muet ? ", L’Aube, 2003.
(2) Pour une présentation systématique de la critique de la valeur en français, voir Anselm Jappe, " Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur ", Paris, Denoël, 2003.
(2) Pour une présentation systématique de la critique de la valeur en français, voir Anselm Jappe, " Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur ", Paris, Denoël, 2003.
D'autres textes sur la scission-valeur et la construction des genres dans le cadre de la société capitaliste :
- Vertus féminines. Crise du féminisme et management postmoderne (Robert Kurz).
- Deux ou trois choses que vous ignorez sur le sexe... (et que vous ne risquez pas d'apprendre auprès des " féministes ") (Gérard Briche).
- Le " côté obscur " de la valeur et le don (Anselm Jappe).
Quelques textes de présentation de la critique de la valeur (wertkritik) :
- Ils ne le savent pas mais ils le font : le mode de production capitaliste est une fin en soi irrationnelle, par Robert Kurz.
- Critique et crise de la société du travail, par Robert Kurz.
- Pourquoi critiquer radicalement le travail ? par Anselm Jappe
- Qu'est-ce que la valeur ? De l'essence du capitalisme, une introduction, par Christian Honer.
- La Société sans qualités. Présentation de la critique de la valeur, par Corentin Oiseau.
Sur la crise de la valeur comme " limite interne " au capitalisme :
- Crédit à mort, par Anselm Jappe (revue Lignes, automne 2009).
- La véritable barrière de la production capitaliste est le capital lui-même. Le mécanisme et la tendance historique des crises, par Robert Kurz.
- La mère de toutes les extravagances et la portée des jeunes loups de la Bourse. Le capital porteur d'intérêts, la bulle de la spéculation et la crise de la monnaie, par Robert Kurz.
- Pourquoi la crise s'aggrave : la croissance ne crée par de richesse, mais de la pauvreté, par Gérard Briche (automne 2009).