En septembre 2013, paraîtra aux PUF un important recueil de textes de l'historien américain Moishe Postone, « Critique du fétiche capital : Le capitalisme, l'antisémitisme et la gauche », traduit en français par Luc Mercier et Olivier Galtier. S'il ne faut pas confondre l'oeuvre de Postone avec la mouvance « wertkritik » puisqu'elles se distinguent au moins sur cinq points essentiels (la conceptualisation du travail abstrait différente chez Kurz et Postone, le rapport critique à Marx qui n'est pas le même, la théorie de la crise d'effondrement, la question du rejet du rapport à l'Université et enfin le volet politique et propositionnel), Moishe Postone a toutefois dans son maître-ouvrage « Temps, travail et domination sociale » (TTDS) traduit en français en 2009 aux éditions Mille et une nuits, élaboré une théorie critique du capitalisme qui sur de nombreux points est parallèle (mais pas assimila ble) à celle élaborée depuis la fin des années 1980 par les groupes allemands Krisis et Exit ! qui forment à proprement parlé le courant « wertkritik » et « wertabspaltungskritik » (courant pas plus assimilable à la « Neue Marx-Lektüre » de Hans-Georg Backhaus et Helmut Reichelt ou à l'oeuvre de Michael Heinrich comme des commentateurs français pressés ont pu l'affirmer). Sur la question traitée dans ce nouveau recueil d'articles de Postone, la question du fétichisme, de l'anticapitalisme tronqué de toute la gauche (socialiste, stalinienne, trotskyste, autogestionnaire, conseilliste, post-ultragauche, etc.) et plus particulièrement de l'antisémitisme moderne (de gauche comme de droite), il y a par contre une communauté de point de vue théorique avec la mouvance « wertkritik » qui pour des raisons historiques liées au passé de l'Allemagne au XXe siècle, est depuis longtemps très sensible à cette question fondamentale qui est aussi une question théorique puisqu'en lien avec le fétichisme réel des formes sociales capitalistes.
On notera également dans ce recueil la republication d'un texte parmi les plus connus de Postone, « Antisémitisme et national-socialisme », précédemment publié avec une critique percutante du livre « Spectres de Marx » de Jacques Derrida et une présentation générale de la réinterprétation postonienne de la forme de vie capitaliste et de sa dynamique, dans l'ouvrage de Postone, « Marx est-il devenu muet ? » (L'aube, 2003), depuis longtemps épuisé.
Hasdrubal et Palim P.
Pour aller plus loin : Ressources sur Moishe Postone (en anglais, en espagnol et en allemand)
On notera par ailleurs la parution d'une traduction d'un entretien de Postone dans le n°53 (2013) de la revue « Cités » des PUF (paru initialement en allemand dans « Konkret »), où incidemment il est fait référence à Kurz et à la théorie de la crise :
Présentation du livre « Critique du fétiche capital » de Postone :
Contrairement à la critique qui, abusée par les apparences capitalistes, voit dans le capitalisme une domination concrète (celle des capitalistes, des banquiers, des Juifs, des Américains...), Postone analyse le capitalisme comme une domination impersonnelle, celle du capital lui-même.
Dans le premier texte, Moishe Postone donne une définition du capitalisme dans laquelle le capital, et non les capitalistes, est le vrai sujet. Sous le capitalisme, la domination n’est donc pas concrète, mais abstraite. Le capitalisme n’est pas d’abord une forme d’exploitation, mais une aliénation de l’activité productive. Dans le mode de production capitaliste, cette activité s’est autonomisée : on produit non pour satisfaire les besoins, mais pour satisfaire la pulsion du capital à l’accumulation infinie. Dans les textes suivants, Postone propose une critique des formes de fausse conscience engendrées par le capitalisme, en se focalisant sur celles que l’on peut qualifier d’« anticapitalisme fétichisé ». Ainsi, il examine successivement la gauche pseudoradicale, sa sous-critique du capitalisme et son idéologie de la violence les antinomies de l’anti-impérialisme les relations entre la gauche et l’antisémitisme le nouvel antisémitisme lié à l’antisionisme la vision de la Shoah en fonction des mutations du capitalisme (de 1945 à nos jours) l’antisémitisme nazi. Bien sûr, les deux thèmes – capital et fausse conscience – sont liés puisqu’ils traitent des modes objectif et subjectif d’une seule et même réalité aliénée, le rapport social capitaliste.
Table des matières :
- Présentation par les traducteurs
- Repenser la théorie critique du capitalisme
- Histoire et impuissance : Mobilisation de masse et formes contemporaines de l’anticapitalisme
- Les antinomies de la modernité capitaliste : Réflexions sur l’histoire, la Shoah et la gauche
- Antisémitisme et national-socialisme
- Un autre automne allemand
- Dialogue avec Moishe Postone
A propos des auteurs
Né au Canada en 1942, Moishe Postone est professeur au département d’histoire et d’études juives de l’université de Chicago. Par ailleurs, il a entrepris depuis le milieu des années 1980 la reconstruction d’une théorie critique adaptée au monde actuel. À cette fin, il propose une relecture de Marx en rupture avec tout le marxisme traditionnel.
Édition établie par Luc Mercier et Olivier Galtier.
Caractéristiques
- 208 pages
- 25.00 €
- ISBN : 978-2-13-062120-1
- Collection "Intervention philosophique"
- N° d'édition : 1
- Date de parution : 25/09/2013
- Discipline : Philosophie
- Sous-discipline : Philosophie politique
Parution : 25 septembre 2013