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Règne de la valeur et destruction du monde
Éditorial
Collectif Jaggernaut

Sandrine Aumercier, Benoît Bohy-Bunel et Clément Homs

Revue Jaggernaut n°4, Crise & Critique, 2022, 16 euros.

Disponible en librairie (France, Suisse, Belgique) ou en livraison sur le site Crise & Critique

 

   « La théorie ne connaît de “force constructive” que celle qui consiste à éclairer, en se servant du reflet du désastre le plus récent, les contours de la préhistoire ravagée par le feu, afin d’apercevoir ce qui, en elle, correspond à ce désastre »
Theodor W. Adorno, Société : Intégration, Désintégration, p. 60. 

   

   Le spectre qui hante le monde moderne est toujours moins la possibilité d’un futur radicalement différent qu’une dévastation irréversible. L’été 2021 n’aura pas été moins probant sur ce point que les années précédentes : inondations dévastatrices en Allemagne, en Belgique, à Londres et au Japon ; la température est montée à 49,6°C au Canada (dans un endroit semblable à la Bretagne en temps normal), 48°C en Sibérie, 50°C en Irak ; New Delhi a connu sa pire canicule depuis dix ans ; Madagascar subit une famine sévère due à la sécheresse ; la Californie, la Sibérie, la Turquie et Chypre sont en feu ; le Golfe du Mexique est recouvert d’une fuite de gaz géante ; la ville de Jacobabad au Pakistan et celle de Ras Al Khaimah dans le golfe Persique sont désormais considérées comme inhabitables à cause du réchauffement climatique ; plus près de nous, des incendies ont embrasé le Var. Le réchauffement climatique commence même à se renforcer en libérant un surcroît de gaz à effet de serre avec le dégel du pergélisol. Des sources de richesse sociale abstraite ouvertes par le capital, il ne s’écoule donc pas seulement une énorme quantité de marchandises, mais aussi son pendant : une quantité sans fin de pollutions et de nuisances. Le règne de la valeur, qui n’est rien de moins que la destruction de la socialité, remet en cause les fondements de l’existence terrestre en général et de l’humanité en particulier, laquelle se trouve ainsi confrontée à la nécessité absolue d’abolir la forme sociale capitaliste sous peine de disparaître. La contradiction n’est en effet que trop manifeste entre, d’un côté, les impératifs toujours plus agressifs de la croissance économique, et de l’autre, la finitude des ressources matérielles et l’incapacité du milieu naturel à absorber les déchets et pollutions produits par la civilisation animée par le mouvement du capital.

   Certes, le déni de la crise écologique a heureusement presque disparu de par le monde et les mises en garde ne manquent pas depuis longtemps. Plus personne ayant un minimum de crédibilité scientifique ou intellectuelle ne remet en cause le fait que le changement climatique, la perte de biodiversité et l’épuisement des ressources naturelles nous conduisent vers une situation catastrophique. Personne ne met non plus en doute le fait que la marge dont nous disposons pour entreprendre des changements structurels afin d’atténuer le cours de la catastrophe est extrêmement faible. Mais alors que les conférences sur le climat échouent les unes après les autres, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent, elles, d’augmenter allègrement sur fond d’un impératif de croissance inchangé. 

   On sait, par exemple, qu’exception faite de la baisse intervenue durant l’année de récession 2009, ou plus récemment lors des mois de confinement, les émissions mondiales de CO2 continuent d’augmenter inexorablement et, selon les prévisions, un nouveau record mondial devrait être atteint dès 2023. Les résultats accomplis par les marchés carbone dans la lutte contre le changement climatique ne pouvaient pas être pires.  Entre 1995 et 2020, de la COP3 à la COP24 (Conférences des Parties de l’Onu), les émissions de CO2 mondiales ont augmenté de plus de 60 %. L’aporie systémique d’une protection du climat qui ne remet pas en cause le capitalisme est involontairement énoncée par le ministre-président Vert du Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann, en mars 2021, lorsque, désemparé, celui-ci a avoué à la presse que « le reproche selon lequel nous sommes trop lents est vrai. Et que nous devrions changer cela, c’est vrai aussi. J’aimerais juste savoir comment faire. »

   Ainsi, bien que le diagnostic des scientifiques fasse l’objet d’un accord toujours plus large, bien que la conscience de la gravité de la menace soit toujours plus forte, le désarroi est généralisé et les désaccords se multiplient dès qu’il s’agit d’aborder la signification historique de la crise socio-écologique. Les batailles politiques féroces sur la façon d’y répondre témoignent en réalité d’une fausse unanimité et de l’incapacité persistante d’identifier le principe agissant de cette trajectoire.

   Le terme d’anthropocène est devenu ces dernières années le concept environnemental majeur pour expliquer une telle situation, particulièrement prisé des sciences naturelles et sociales. Lancé en 2002 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, il prétend saisir la perturbation globalisée des cycles naturels planétaires, qui a commencé avec l’invention de la machine à vapeur lors de la première révolution industrielle, et désigne une nouvelle « époque géologique dominée par l’homme » succédant à l’Holocène, qui avait lui-même succédé il y a 11500 ans à la dernière grande ère glaciaire (le Pléistocène). Dans cet anthropocène, c’est l’« être humain » ‒ anthropos ‒ qui a pris le contrôle des cycles biogéochimiques de la planète et serait devenu une force géophysique. Il aurait commencé à transformer la biosphère à tel point qu’il menace maintenant la capacité de la planète à poursuivre l’histoire de la vie. La perturbation du cycle du carbone, du cycle de l’azote ou encore l’érosion massive de la biodiversité conduisent vers des points de bascule planétaires irréversibles, qui sont quantifiés par des armées de scientifiques et régulièrement annoncés en grande pompe dans tous les grands médias, hypnotisant les uns et catastrophant les autres, cependant que la même trajectoire se poursuit. Nourries à la collapsologie, certaines couches urbaines et privilégiées de la population souffrent désormais d’une « écoanxiété » ou « solastalgie » indécemment confondue avec la détresse des populations autochtones dont les lieux de vie sont dévastés. La diffusion de ces notions achève ce tableau d’impuissance et de dépolitisation, où il s’agirait de traiter les nouvelles angoisses sur le même mode que les troubles du comportement. Il s’agirait en somme « d’apprendre à vivre avec » et de pratiquer la « résilience ».

   Mais si « l’époque géologique dominée par l’homme » conduit à une situation dans laquelle l’existence de l’humain pourrait être compromise, il y a quelque chose de très problématique dans la vision de cette domination de la nature réduite à un « substrat dominé ». Après tout, il doit y avoir quelque chose d’inhumain ou « d’objectivant » dans cette sorte de domination par « l’être humain » dont l’issue pourrait justement être l’extinction des humains. L’anthropocène se révèle finalement après coup comme une rupture non planifiée, non intentionnelle, non contrôlée, comme l’effet secondaire d’un « métabolisme social avec la nature » (Marx) enclenché par le capitalisme industriel et devenu hors de contrôle. Cela peut facilement être illustré par des exemples. La combustion des énergies fossiles utilisées comme carburant pour les systèmes industriels et de transport devait immanquablement provoquer la perturbation du cycle du carbone. L’extraction massive du charbon a commencé en Angleterre pendant la révolution industrielle si bien qu’avec cette nouvelle source d’énergie mobile, les industries ont pu se déplacer des barrages vers les villes où se trouvait une main-d’œuvre à bon marché.

   Il n’y avait aucune intention de manipuler le cycle du carbone ou de provoquer le réchauffement climatique de manière consciente. Cependant, le résultat n’en est pas moins  qu’au xxie siècle, la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique a déjà dépassé la limite sûre de 350 ppm indispensable à la pérennité de la vie humaine sur le long terme. Le cycle de l’azote lui-même a été perturbé par l’industrialisation de l’agriculture et la production d’engrais qui comprend la fixation de l’azote atmosphérique par le procédé Haber-Bosch. Il n’en reste pas moins que la limite annuelle des 62 millions de tonnes d’azote enlevées à l’atmosphère est déjà largement dépassée avec 150 millions de tonnes en 2014. Personne ne l’a consciemment planifié, pas plus que l’eutrophisation des lacs ou l’effondrement des écosystèmes. La même histoire se déroule avec la perte de biodiversité, la perturbation du cycle du phosphore ou l’acidification des océans. À cet égard, « l’époque géologique dominée par l’homme » ressemble beaucoup plus à un produit du hasard et de l’inconscience qu’au développement d’une habileté à maîtriser les cycles planétaires bio-géophysiques, en dépit de la référence de Crutzen à Vernadsky et à Teilhard de Chardin, lequel visait à « accroître la conscience et la pensée » et « le monde de la pensée » (la noosphère). « Ils ne savent pas ce qu’ils font, mais ils le font » – c’est ce que dit Marx au sujet de l’activité sociale fétichisée médiée par les marchandises, dans laquelle il convient de voir la clé d’une compréhension critique de l’anthropocène. 

   Néanmoins parler de hasard et d’inconscience ne signifie pas dédouaner la question des responsabilités. Qui est cet anthropos, cet être humain des discours sur l’anthropocène ? S’agit-il de l’espèce humaine en général, de manière indifférenciée, de l’humanité non seulement prise comme un tout (qui n’existe pas), mais aussi abstraite de toutes déterminations historiques concrètes ? Cet immense flou conceptuel permet notamment de justifier la géo-ingénierie climatique – prônée par Paul Crutzen – ou encore les idéologies du développement durable, de l’économie circulaire faisant la chasse au gaspillage particulier ou du néomalthusianisme qui voit la cause du problème dans la démographie des pays de la périphérie. De la sorte, anthropos reste celui qui détruit mais aussi celui qui répare, et on conserve la double figure du progrès, à la fois prométhéenne et démoniaque, héritée de la première époque industrielle et des Lumières.

   Noyant la responsabilité dans une humanité en réalité inégalement responsable et inégalement impactée, la notion d’anthropocène met manifestement mal à l’aise et suscite de nombreuses discussions sur les « seuils » historiques et de nombreuses négociations terminologiques, chacun y allant de sa propre tentative de nommer l’agent et le patient du désastre. Donna Haraway lui substitue par exemple le terme de plantacionocène pour viser la colonisation des Amériques comme marqueur de cette nouvelle époque et, plus récemment, celui de chtulucène pour nous inviter à « habiter le trouble », c’est-à-dire à investir les ruines : « nous sommes tous du compost », affirme Haraway. On ne saurait mieux esthétiser la catastrophe et diluer la responsabilité de cette situation récente dans la grande histoire bactérienne de la planète Terre. 

   Toutes ces tentatives conceptuelles ratent l’occasion de problématiser l’origine logique de cette transformation ainsi que le sujet qui la porte. En va-t-il autrement avec le terme de « capitalocène » proposé par Andréas Malm ou Jason Moore pour essayer de rendre compte des limites de la notion d’anthropocène ? La notion de « capital fossile » développée par Malm à partir de matériaux historiques montrant la coïncidence historique de l’essor du capitalisme industriel avec celui des énergies fossiles aboutit à la curieuse figure d’un anthropocène dont l’agent serait les énergies fossiles et dont les responsables seraient ceux qui, encore aujourd’hui, continuent de défendre et mettre en œuvre ces énergies. Il faudrait donc évidemment les mettre hors d’état de nuire. De manière générale, une partie du marxisme exsangue s’est recyclée depuis une vingtaine d’année dans un écosocialisme qui n’a rien lâché du dogme du « développement des forces productives » : mais il faut maintenant se jeter à corps perdu dans la production de panneaux solaires et d’éoliennes et en arracher la propriété aux griffes des capitalistes cramponnés à leur cheminées à charbon et leurs puits et pipelines de pétroles. Il s’ensuit une conception pas seulement « léniniste » mais aussi lénifiante des « énergies renouvelables ». C’est d’elles en effet que Malm et les écosocialistes attendent maintenant le salut écologique – en parfaite congruence avec les discours officiels qui promettent un avenir vert et durable sans rien dire de l’intensification extractiviste et de la multiplication des ravages miniers qu’elle suppose. Pendant ce temps, Total Energies joue sur les deux tableaux, vert et fossile, tandis que Joe Biden, célébré notamment pour sa promesse de réintégrer les Accords de Paris, signe en l’espace d’un an davantage de permis de forages pétroliers que Donald Trump en quatre ans. Il est ainsi de mieux en mieux documenté à quel point non seulement les énergies renouvelables sont à l’origine d’un véritable ravage, mais à quel point aussi elles ne font que s’ajouter à la trajectoire globale sans l’infléchir le moins du monde. Sans dédouaner les « élites » de la part qu’elles prennent à ce double langage, on ne peut que s’interroger sur la nature de cette compulsion aveugle qui ne connaît aucune interruption et semble devoir inexorablement nous jeter tous en enfer, pendant que la jeunesse révoltée par l’inertie du système cherche à faire pression sur le débat parlementaire, au risque de renforcer la gestion technique et l’adaptation au désastre. Nombreux sont ceux ‒ et pas seulement les experts ‒ qui sont ainsi convaincus qu’un heureux mélange de technocratie, de décarbonisation de l’économie, de géo-ingénierie, de transition énergétique, de petits gestes écologiques, de bonne volonté et d’innovation commerciale suffira à réaliser la « transition » vers un nouveau capitalisme verdâtre. En réalité, celui-ci s’engage plutôt dans la voie d’un état d’exception permanent auquel chacun sera prêt à concourir pour prolonger l’agonie. Et les affres et les compromis du sujet ordinaire n’y sont pas moins un élément déterminant que ceux des décideurs, eux qui sont chargés par la forme politique moderne d’en représenter le mandat fondamental : la croissance. Tous les porteurs de fonction sont enveloppés du même rapport social dont ils s’évertuent à ne rien vouloir savoir et dont ils rejettent la responsabilité les uns sur les autres.

   C’est ainsi qu’avec l’avancée de la crise écologique, l’angoisse s’empare aussi de ceux qui, il y a peu, niaient encore la réalité du changement climatique : tout le spectre politique est désormais entiché de « l’urgence climatique » devant un électorat aux abois. Il n’est pas jusqu’à l’extrême-droite qui n’ait commencé à accommoder l’écologie à ses thèmes favoris.  Néomalthusianisme, darwinisme social, défense armée des territoires et de l’identité nationale, survivalisme, actes de terrorisme à vocation écologique : ces tendances montantes signalent la néo-fascisation d’une frange de la société qui n’est que la pointe avancée des tendances politiques transversales. L’érection de murs et l’abandon à leur sort de populations superflues ne méritent d’ailleurs même plus de justification au niveau mondial et se banalisent dans l’indifférence.

   Pendant ce temps, quelques-uns s’égosillent à prêcher des valeurs humanistes et à militer pour la reconnaissance du crime d’écocide ou des « droits » accordés aux entités naturelles dans le cadre de la forme juridique bourgeoise. Le biocentrisme qui caractérisait davantage l’écologie profonde jusqu’à récemment est devenu en quelques années le fonds de commerce d’une écologie antispéciste, parfois associée au véganisme, éprise de conservation et de restauration de la nature. Une nature transformée en spectacle dont les occupants indigènes sont évacués ou harcelés ; une nature souvent très mal connue de ses promoteurs, comme le montrent entre autres Charles Stepanoff et Guillaume Blanc dans leurs ouvrages récents. 

   Car l’ontologie naturaliste moderne est indissociable du capitalisme et ne peut donc que se retrouver aussi dans ses idéologies affirmatives de crise. Le concept moderne de « nature » est entièrement modelé par la forme-marchandise et par la forme-sujet bourgeoise. Les sciences naturelles modernes, à la suite de Emmanuel Kant, ont présupposé un sujet purement formel, identique à lui-même, susceptible de synthétiser le divers de l’intuition sensible. Ce sujet abstrait restait indépendant de l’empirie, et il posait la nature comme extériorité radicale qu’il s’agissait de soumettre à la question. Cette subjectivation moderne institue une dualité sujet-objet et une nature purement séparée qui ne sont pas indépendantes du procès de valorisation de la valeur. Elle institue également un temps abstrait et un espace homogène qu’il s’agit de quantifier en vue de sa maîtrise. La « nature » moderne a été soumise à une logique de mathématisation qui permettait, entre autres choses, de réduire le non-humain à l’état de ressource exploitable, composante du capital constant. De même, le temps de travail doit être mesuré, sa qualité concrète est niée en vue de sa gestion rationnelle et de l’extraction d’une survaleur relative. Le point commun entre les sciences naturelles et les sciences économiques est leur tendance à quantifier systématiquement ce qui est pourtant hétérogène à l’ordre du quantitatif : elles sont incapables de saisir ce qui reste non-identique aux formes homogènes de la rationalité et de la production modernes, à savoir la souffrance des vivants sensibles et conscients, le contenu qualitatif de la forme abstraite. 

   Le capital variable et le capital constant, également constitués d’individus vivants et souffrants, sont ramenés au statut de ressources valorisables et quantifiables dans un procès de production qui les naturalise et les réifie. Ce sont ces mêmes technologies écologiquement destructrices qui rendent le travail vivant toujours plus superflu. Dans le même temps où le capital fait du temps de travail la source et la mesure de toute richesse, il tend à ramener ce temps de travail productif à un minimum toujours plus précaire. Cette contradiction est au cœur de chaque sujet du capital. Toute l’horreur du capitalisme réside en fin de compte dans le fait que personne n’est assis derrière le rideau ni ne tire les ficelles. Personne ne contrôle le mouvement de valorisation du capital à l’échelle de la société mondiale : il se déroule par l’intermédiaire du marché, comme un processus par lequel l’argent doit devenir plus d’argent par la production de marchandises et leur consommation. Même les capitalistes les plus puissants sont livrés à cette contrainte ‒ que Karl Marx a résumée par le terme de fétichisme social. La responsabilité des dégâts ne peut donc être ressaisie uniquement à partir de l’identité de classe des individus, mais bien plutôt dans l’analyse d’une identification plus ou moins consentie de chacun à la forme de vie capitaliste.

   Le capitalisme mobilise les sciences naturelles pour poser un sujet solipsiste et narcissique qui doit se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes). Les sciences naturelles modernes fabriquent techniquement leurs expérimentations en constituant une nature homogène au calcul mathématique. Ce n’est pas la « nature » désordonnée et qualitative qu’elles thématisent, mais une nature techniquement élaborée, épurée, assignée par un sujet abstrait identique à lui-même. De même que les techniques impliquent dans la production une subsomption réelle du travail concret sous le travail abstrait, de même il existe une subsomption toujours plus réelle de la nature sous la valeur. C’est ainsi que la logique de la concurrence et la logique d’extraction de la survaleur relative propulsent toujours plus loin l’automatisation de la production, jusqu’à la récente révolution microélectronique (1970-80), au point de détruire toujours plus la planète, mais aussi au point d’engager le capitalisme dans un procès irréversible de désubstantialisation de la valeur. La borne externe (crise écologique) et la borne interne (crise économique) du capitalisme sont subtilement imbriquées, comme le montre le « fragment sur les machines » des Grundrisse. Aussi le dépassement du capitalisme ne sera pas réalisé par le moyen de la science « positive » ni de l’économie. Une pensée critique qui remettrait en cause l’hégémonie du calcul et de la quantité, et qui thématiserait les souffrances et les désirs des sujets dans leur dimension irréductible, serait aussi en mesure de critiquer l’inversion fétichiste-marchande entre abstrait et concret, moyen et fin.

   Le sujet solipsiste qui porte le projet naturaliste-capitaliste est structurellement le sujet masculin, occidental, blanc. La science naturelle, qui construit techniquement une nature quantifiable modelée par la forme-marchandise, consolide d’abord la dissociation sexuelle. La nature « informe » et « chaotique » qu’il s’agit d’encadrer et de discipliner a été associée (dès Bacon) au féminin. Comme l’explique Roswitha Scholz (1992), la dissociation forme-contenu est une dissociation spécifique au sexe. Au sein de la dissociation sexuelle moderne, la forme-valeur renvoie au sujet de la concurrence, compétitif, rationnel, éclairé, qui est typiquement un sujet masculin, là où le contenu irrationnel, qui peut renvoyer à la sensibilité, au soin, à la sphère reproductive, et à l’érotisme, est assigné au (non-)sujet féminin. Cette structure de la dissociation est inséparable d’une économie désencastrée moderne, qui sépare fonctionnellement les sphères de la production de valeur (masculine) et de la reproduction privée (féminine). La domination de la nature extérieure est indissociable de la domination d’une nature intérieure, féminisée, déclarée sensible, informe et irrationnelle. De même, les indigènes ne sont pas censés disposer de la rationalité critique qui triomphe avec Kant et les Lumières. Le naturalisme s’impose alors comme une véritable unité excluante et comme une totalité brisée. On ne saurait donc aujourd’hui distinguer rigidement l’histoire de la surexploitation coloniale des enjeux liés à la domination de la nature « extérieure », car c’est un même sujet abstrait qui développe, dans la modernité, ce naturalisme capitaliste multidimensionnel.

   La critique de la destruction du vivant suppose donc aujourd’hui la critique radicale des sciences positives et des techniques modernes, mais aussi la compréhension d’une connexion intime entre crises écologique, sociale, économique. Elle suppose également la critique du patriarcat producteur de marchandises et d’un racisme structurel, naturalisant. Aujourd’hui, les spécialisations et compartimentations empêchent d’apercevoir ces phénomènes multidimensionnels. Ces spécialisations théoriques sont à l’image de la division capitaliste du travail, et elles sont en elles-mêmes aliénées. Comme l’annonce Kurz dans le chapitre 1 de La Substance du capital, ce n’est pas le fait de critiquer la totalité qui est totalitaire. Car la valeur destructive est précisément cette totalité (brisée), et c’est bien elle qu’il faut critiquer absolument. La critique de la totalité capitaliste ne vise pas à poser cette totalité au détriment du non-identique – comme le lui reproche la pensée postmoderne – mais elle prétend élever la critique à la hauteur du totalitarisme de la forme. Une « critique » éparpillée ou fragmentaire reproduit les séparations et les cloisonnements des sciences positives qui se maintiennent elles-mêmes à l’intérieur des bornes posées par la division du travail moderne. 
La critique du capitalisme ne saurait adopter la perspective naturaliste et vitaliste qui est au fondement de la modernité. Elle ne vise pas à sauver une « nature » idéalisée, ni une « humanité » idéalisée comme espèce, et encore moins un capitalisme qui se conçoit lui-même comme une force de la nature. Elle ne saurait s’allier avec les différentes variations politiques de ce naturalisme, dont les contradictions tendent actuellement à être surmontées à travers une gestion toujours plus totalitaire de la vie, de la santé et de la population. Cette critique s’appuie au contraire sur une épistémologie de la nature qui prend en compte le fait qu’on ne peut en parler qu’en position seconde et qu’on ne peut donc défendre la nature qu’en défendant la possibilité d’une société véritablement humaine. Établir de manière critique les conditions d’émancipation de la société est l’unique voie pour une écologie radicale, même si devant l’urgence et la montée des catastrophes beaucoup seront tentés de se réfugier dans les idéologies de crise dont nous venons de donner quelques aperçus. La critique épistémologique du concept de nature représente un détour théorique qui n’est pas un vain raffinement ni « du temps de perdu pour l’urgence de l’action », mais qui au contraire prend en compte le statut de la « seconde nature ». Elle vise également à articuler la critique marxienne de l’économie politique à une critique des technologies, des sciences, et des forces productives modernes. 

 

Table des matières 

Éditorial : Règne de la valeur & destruction du monde

Par Sandrine Aumercier, Benoît Bohy-Bunel et Clément Homs pour le comité de rédaction

DOSSIER

La limite écologique du capitalisme
La forme-valeur et la destruction accélérée de la nature à la lumière
des analyses de Karl Marx et Moishe Postone
Nuno Miguel Cardoso Machado

Technologies apocalyptiques
Le complexe économico-scientifique et l’objectivation destructive du monde
Robert Kurz

Travail mort, travail vivant
Le gouffre énergétique de la société du travail
Sandrine Aumercier

L’Ascension des automates voraces
La Révolution industrielle en tant qu’imposition du travail abstrait et de l’extractivisme minier
Daniel Cunha

Objectivité inconsciente
Aspects d’une critique des sciences mathématiques de la nature
Claus Peter Ortlieb

Dissociation et fonctionnalisation du sexe féminin dans les sciences modernes
À propos de Domination de la nature et féminité d’Elvira Scheich
Clémence Bertier

VARIA

Le « capitalisme asiatique » et la crise mondiale
Marcos Barreira & Maurilio Lima Botelho

L’histoire est-elle toujours matérialiste ?
Anselm Jappe

Jacques Bidet et le travail abstrait des « jardinières » du néolithique
Réponse à l’article de Jacques Bidet, « Misère dans la philosophie marxiste » à propos de Moishe Postone
Benoît Bohy-Bunel

Les vues de l’esprit de Monsieur Alain de Benoist
Considérations sur la tentative de récupération de la critique de la valeur par la droite
Norbert Trenkle

NOTES DE LECTURE

Le cours ordinaire des choses et ses subterfuges
Une lecture des présupposés de Søren Mau dans Stummer Zwang  
Frank Grohmann

Marildo Menegat : l’œil contre la barbarie
À propos de La Critique du capitalisme en temps de catastrophe  
Frederico Lyra de Carvalho

A propos de Guillermo Rochabrún, El Capital de Marx. Afirmación y replanteamiento   
Anselm Jappe

VERSUS

Critiquer Raoul Vaneigem
La subjectivité radicale considérée sous ses aspects psychologique,
économique, politique, sexuel et notamment philosophique
Alastair Hemmens

 

RESUMES DES ARTICLES

Dans « La limite écologique du capitalisme. Forme-valeur et destruction accélérée de la nature », Nuno Machado, en s’appuyant sur les thèses de Karl Marx et de Moishe Postone, s’efforce de démontrer : 1) qu’au cœur de la synthèse macro-sociale moderne réside une inversion fétichiste entre le concret et l’abstrait. La force de travail des hommes comme le monde sensible, matériel et culturel, sont réduits au statut d’intrants qui doivent être consommés à des fins productives, digérés et rejetés afin de nourrir le processus continu de valorisation ; 2) que cette subsomption du concret par la dynamique de l’accumulation de capital (A-M-A’) a des conséquences dévastatrices pour l’environnement. Cette compulsion, qui a à voir avec les normes du temps de travail socialement nécessaire en place et l’extraction de la survaleur relative, impose, via la concurrence entre les entreprises, des niveaux toujours croissants de productivité, de production et, ce faisant, de consommation de matières premières à toutes les entreprises, pour obtenir des augmentations toujours plus minces de la masse cumulée de profits. Au fur et à mesure que l’accumulation devient plus difficile, la crise économique aggrave par conséquent la crise écologique. Le mode de (re)production capitaliste repose ainsi sur une forme abstraite de richesse – la (sur)-valeur – qui est intrinsèquement autotélique, sans limites et, en tant que telle, implique une forme de croissance économique effrénée, délétère pour la biosphère.

Dans « Technologies apocalyptiques. Le complexe économico-scientifique et l’objectivation destructive du monde », Robert Kurz esquisse la théorisation d’une « violence naturelle de seconde nature » ancrée dans le processus scientifique-technologique moderne et le paradigme épistémologique de la science moderne. S’appuyant sur le courant de la critique féministe des sciences, l’auteur cherche à prendre en considération la forme sociale capitaliste dans la détermination d’une critique de la science et de la technologie, en décrivant certaines caractéristiques de la racine commune de la science, de l’économie et de l’État dans la révolution des armes à feu au début de l’ère moderne. À cette époque s’est constituée une image de la personne et de la nature, étranges, hostiles et objets de manipulation, spécifiquement liée au capitalisme, mais aussi une stricte séparation entre sujet et objet. Le milieu du xxe siècle constitue pour l’auteur un moment charnière où la violence et la manipulation technologique-scientifique encore secondaire, indirecte et « extérieure » à la nature terrestre, devient intérieure et franchement apocalyptique avec les développements des technologies atomique et génétique. Une violence se passant de la nature terrestre et de la vie elle-même, pour se créer une « autre nature », une « autre biologie » à son image. 

Dans « Travail mort, travail vivant. le gouffre énergétique de la société du travail », Sandrine Aumercier revient sur certains thèmes développés dans son livre Le Mur énergétique du capital (2021). À partir du constat d’un emballement technologique qui ressemble à une « force de la nature » et qui est souvent présenté avec fatalité dans les débats écologiques, mais qui n’est au fond qu’une force sociale, Aumercier met en évidence l’articulation de la société du travail et du paradigme thermodynamique ainsi que leur émergence historique commune. Elle examine en particulier la substitution du travail mort au travail vivant en relisant la catégorie marxienne de « composition organique du capital » du double point de vue de la composition-valeur et de la composition technique. La réflexion sur le dépassement du capitalisme ne peut, dès lors, plus s’inscrire dans la perspective encore bourgeoise d’une gestion plus efficiente des ressources ou d’une planification rationnelle sur la base des technologies atteintes sous le capitalisme, mais doit remonter à la critique sans concession du travail abstrait comme substance du capital et « carburant » de son développement effréné, laquelle entraîne nécessairement une critique du système technoscientifique globalisé.

En s’appuyant sur l’hypothèse méthodologique d’Immanuel Wallerstein selon laquelle le capitalisme évolue toujours en tant que totalité (un système-monde), et non en sous-unités nationales, l’article de Daniel Cunha, « L’ascension des automates voraces. La Révolution industrielle en tant qu’imposition du travail abstrait et de l’extractivisme minier », cherche à reconstruire l’histoire de la révolution industrielle non pas comme un processus britannique, mais comme une histoire mondiale. Pour ce faire, il se concentre sur la médiation entre la mécanisation (centrée sur la Grande-Bretagne) et les frontières des marchandises dispersées dans l’économie-monde capitaliste, des montagnes de l’Oural à la vallée du Mississippi, des Cornouailles à l’Afrique de l’Ouest. L’auteur cherche à montrer que la révolution industrielle a été une imposition colossale de travail abstrait et d’extractivisme sauvage. À son tour, la résistance à cette imposition (rébellions d’esclaves, luddites, banditisme social, etc.) était également mondiale-historique, mais elle est restée invisible dans l’historiographie officielle en raison des méthodologies qui reproduisent l’ontologie du travail abstrait. Si l’auteur ne se situe pas exactement dans la conceptualisation du travail abstrait liée à la critique de la valeur-dissociation, les matériaux brassés par l’article sont des plus intéressants. La conception de la dialectique implicite dérive ici de Moishe Postone, Lucio Colletti et Adorno, comme une épistémologie historiquement spécifique de la société marchande.

Dans « Objectivité inconsciente. Aspects d’une critique des sciences mathématiques de la nature », Claus Peter Orlieb s’inscrit d’abord dans la continuité de la critique féministe des sciences de la nature, telle que la formule par exemple la biologiste américaine Evelyn Fox Keller. Il s’oppose ensuite à l’idée d’une science axiologiquement neutre et à l’idée de progrès scientifique, lequel traduit la dynamique de la socialisation bourgeoise. La prétention des Lumières et des sciences à l’universalité est une façon d’ontologiser la synthèse sociale capitaliste mais aussi de naturaliser la domination patriarcale et la domination sur la nature. Enfin, la mathématisation du réel est présentée comme intrinsèquement liée au fétichisme de la marchandise. 

Dans « Dissociation et fonctionnalisation du sexe féminin dans les sciences modernes », Clémence Bertier présente les thèses du livre d’Elvira Scheich, professeur d’histoire des sciences à la Freie Universität de Berlin, Domination de la nature et féminité. Formes de pensée et fantasmes des sciences modernes de la nature (1993), cité à plusieurs reprises par Roswitha Scholz comme une critique pertinente de la science et de la technologie sous le patriarcat capitaliste. Un ouvrage qui se situe à la jonction de la critique marxiste de l’épistémologie des sciences initiée par Alfred Sohn-Rethel, insistant sur le lien interne entre les abstractions scientifiques et les lois abstraites du monde capitaliste, et la critique féministe des sciences qui souligne l’alliance de la science, du pouvoir et de la masculinité dans la modernité scientifique. 

Le « Varia » de ce numéro comprend quatre textes. Il s’ouvre sur une traduction de l’article de deux auteurs brésiliens, Marcos Barreira et Maurilio Lima Botelho, « Le “capitalisme asiatique” et la crise mondiale ». Les auteurs y confrontent la théorie d’un déplacement du centre d’accumulation du capitalisme vers l’Asie portée notamment par divers économistes, et des auteurs tels Immanuel Wallerstein et Giovanni Arrighi, aux interprétations et analyses « économiques » développées par des auteurs liés à la critique de la valeur-dissociation. Ils reviennent tout particulièrement sur l’histoire du capitalisme en Asie ces quarante dernières années, du « miracle japonais » des années 1980 au nouveau « miracle » de la croissance chinoise au début du xxie siècle. Ils montrent combien le « déplacement du centre d’accumulation » révèle en réalité une crise du modèle d’accumulation fordiste, la formation d’une conjoncture mondiale de « bulles financières » vers laquelle se réfugie le capital monétaire, et la place des investissements spéculatifs et le crédit d’État. 

« L’histoire est-elle toujours matérialiste ? » d’Anselm Jappe part de la question suivante : la nécessaire critique du « matérialisme historique » avec son schéma « base économique/superstructures sociales et culturelles » n’implique-t-elle pas une mise en discussion du couple conceptuel « matérialisme/idéalisme » ? Cet article veut constituer une première introduction à un vaste complexe de questions qui comprend la place qu’occupent le sacrifice et le don, et de manière plus générale la dimension du symbolique, dans les sociétés autant prémodernes que modernes ; l’origine « naturelle » ou plutôt « culturelle » des besoins et des motivations ; la relation entre le fétichisme de la marchandise et les autres formes de fétichisme ; les origines religieuses du capitalisme dans le sacrifice. Seront examinées surtout les contributions de George Bataille, de Marshall Sahlins et du premier Jean Baudrillard, pour terminer en établissant un lien avec Argent sans valeur, le dernier livre de R. Kurz. Il faut reconnaître que l’économie capitaliste elle-même n’est pas « rationnelle », mais dérive du sacré. Cela contredit les tentatives de reconduire les comportements individuels et collectifs uniquement à des calculs utilitaristes et devra permettre de mieux comprendre le caractère profondément irrationnel du capitalisme.

Dans « Jacques Bidet et le travail abstrait des “jardinières” du néolithique  », Benoît Bohy-Bunel revient sur l’article de Bidet critiquant dans la revue Période en 2014, l’œuvre-maîtresse de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale. Il s’avère que Bidet ne produit qu’un énième discours marxiste traditionnel, ontologisant les catégories de base du capitalisme (marchandise, valeur, argent, travail abstrait). Bidet passe à côté de l’originalité de Postone, et de la nécessité de penser avec un Marx ésotérique pour penser le capitalisme actuel. 

Dans « Les vues de l’esprit de Monsieur Alain de Benoist », Norbert Trenkle se penche sur la réception et la perception de la critique de la valeur dans certains cercles de l’extrême-droite, et tout particulièrement sur les intentions et la manière de ces gourous de droite quand ils piochent dans la critique de la valeur ou dans la théorie de Marx pour les accommoder à leurs idées. Quelles mésinterprétations et omissions effectuent-ils ? À quelles élaborations théoriques de la critique de la valeur recourent-ils afin de les interpréter à travers le prisme de leurs propres thèmes ?

La revue inaugure une rubrique de recensions de divers ouvrages, à laquelle nous vous invitons à participer. Fidèle à sa vocation de passerelle entre différentes espaces linguistiques de la critique de la société, on y retrouvera les comptes-rendus de l’ouvrage du marxiste Søren Mau, Stummer Zwang par Frank Grohmann, du livre de l’auteur brésilien Marildo Menegat, A Crítica do capitalismo em tempos de catástrofe par Frederico Lyra, ainsi que la recension d’un ouvrage paru au Pérou du marxiste péruvien, Guillermo Rochabrún, El Capital de Marx, par Anselm Jappe. 

Après l’article « Contre Lordon » de Benoît Bohy-Bunel dans le n°2 de la revue, et celui sur « Le mythe du revenu de base inconditionnel » d’Ivan Recio dans le n°3, notre rubrique « Versus » qui cherche à se confronter à d’autres champs de la critique sociale, accueille cette fois l’article d’Alastair Hemmens, « Critiquer Raoul Vaneigem. La subjectivité radicale dans l’Internationale situationniste prise en compte dans ses aspects psychologiques, économiques, politiques, sexuels et, en particulier, philosophiques. » L’Internationale situationniste s’est bien souvent présentée elle-même comme la championne du « sujet », de la capacité humaine d’agir consciemment, à une époque où ce concept commençait à passer de mode. Il n’existe guère pourtant d’analyse sérieuse du « sujet » à un niveau conceptuel dans la littérature existante. En outre, lorsque la question du « sujet » est abordée, les critiques se sont avant tout attachées à l’œuvre de Guy Debord, alors même que cette question occupe une place éminente chez l’autre grand théoricien situationniste, Raoul Vaneigem. Ce dernier a ainsi avancé nombre d’idées qu’on ne retrouve pas chez Debord ou bien qu’il n’a guère développées. Sa notion de « subjectivité radicale », en particulier, sert de point de départ critique pour une comparaison avec les thèses de Debord et permettre de mieux appréhender sa contribution à l’IS. Dans cet article, en s’appuyant sur une perspective critique nourrie par les nouvelles analyses du sujet offertes par la « critique de la valeur-dissociation », l’auteur tente une analyse devenue indispensable de la généalogie, du contenu et des ambiguïtés de la notion de « subjectivité radicale » avancée par Vaneigem et par l’IS en général. 

Sandrine Aumercier, Benoît Bohy-Bunel et Clément Homs 
pour le comité de rédaction
Février 2022.  

 

Tag(s) : #Chroniques de la crise au quotidien
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