Débat en France sur l' « Identité nationale » fleurtant avec un appel d'Etat aux dérapages racistes à organiser dans les préfectures, vote démocratique contre la construction de minarets en Suisse, marches organisées par la « English Defense League » d'extrême-droite contre l'Islam, succès inquiétant du « British National Party » d'extrême droite aux dernières élections de juin 2009 en Angleterre (avec 1 million d'électeurs, le BNP a désormais 2 sièges au Parlement Européen et 1 siège au Parlement de Londres), la crise et le jeu de chaise musicale aux emplois exacerbent partout les réactions les plus xénophobes et antisémites. Les boucs émissaires sont désignés de toute part : les immigrés voleurs de travail et d'aides sociales, les juifs comploteurs de Wall Street ou de la City, tandis que quantités d'autres théories du complot fleurissent quand elles ne sont pas soutenues par les gouvernants eux-mêmes, etc. Ci dessous, la rédaction de la revue allemande Exit ! Crise et critique de la société marchande, se joint à l'appel à condamnation des actes antisémites faits par des groupes de gauche lors de la projection à Hambourg le 25 octobre dernier du film de Claude Lanzmann Pourquoi Israël.
Occasion de revenir un peu sur l'oeuvre de Moishe Postone au sujet de la question de l'antisémitisme moderne, on sait qu'il a été très présent dans les théorisations anticapitalistes de gauche, d'extrême-gauche et anarchistes au XIXe et XXe siècles (Charles Fourier, P.-J. Proudhon, etc.). Dans son article de 1986, " Antisémitisme et national-Socialisme ", Moishe Postone élabore une réflexion inédite sur l'anti-sémitisme moderne et plus particulièrement sur l'idéologie national-socialiste. Mais on pourrait aussi décrire le résultat auquel il aboutit, comme un élément majeur dans l'élaboration d'une théorie socio-historique de la conscience et de la subjectivité déterminées par des formes sociales au coeur de la socialisation sous le capitalisme. Puisque ce qui est dit sur l'antisémitisme moderne peut aussi décrire une tendance de l'anticapitalisme vulgaire qui cherche la personnification des objets pris dans sa critique. Mais comme le note Anselm Jappe, « s'il faut dénoncer l'antisémitisme latent de beaucoup de théories qui se veulent anticapitalistes, il faut également s'opposer à ceux qui dénoncent toute critique du capitalisme comme antisémite. La critique de la valeur aboutit justement à une critique des mécanismes structurels du capitalisme qui n'attribue pas les méfaits de celui-ci aux agissements de groupes humains particuliers ».
Moishe Postone montre que l'antisémitisme moderne est très diffèrent de la plupart des formes de racisme et de l'antisémitisme chrétien (contre le peuple déicide qui a tué Jésus). Il diffère d'eux parce qu'il projette un énorme pouvoir invisible global des Juifs, il y a cette idée d'une conspiration mondiale qui est intrinsèque à l'antisémitisme moderne. Par rapport à cette singularité qu'a l'antisémitisme dans la modernité, Postone essaye d'analyser l'antisémitisme par rapport à la notion marxienne du caractère duel de la catégorie de marchandise. Ainsi il obverse, que les caractéristiques que l'antisémitisme discerne chez les Juifs, sont les mêmes caractéristiques qu'a la valeur : abstraction, invisibilité, automatisme, domination impersonnelle. Postone soutient que la forme de la socialisation sous le capitalisme (par la fonction historiquement spécifique qu'a le travail sous le capitalisme) rend justement possible la séparation du concret (comme étant socialement « naturel », sain, vrai, etc.) et de l'abstrait, abstrait que l'on voit comme empiétant sur le concret, le dénaturant et le déformant.
Cette opposition entre le concret et abstrait déterminée par les formes sociales, irrigue toutes les formes de subjectivité, et permet donc de comprendre une caractéristique centrale de l'idéologie nationale-socialiste et de tout antisémitisme moderne comme le note le texte ci-dessous « Stoppez les matraqueurs antisémites - même ceux de gauche ! » Car cette idéologie n'était pas fondamentalement antimoderne et ce serait une erreur de l'étiqueter comme telle. Il est vrai qu'elle a revendiqué défendre la paysannerie et le travail artisanal, mais elle a aussi affirmé la production technologique et industrielle moderne. Le nazisme a été au contraire une forme vulgaire, d'anticapitalisme. Le rejet de la bourgeoisie et de ses valeurs, est présent dans le nazisme. Il y a plus de sens à voir l'idéologie nazie comme l'affirmation de la dimension concrète - qui inclut la technologie et la production industrielle, aussi bien que la paysannerie et le travail manuel - comme cœur de la vie sociale saine, organique, naturelle et cela contre la dimension abstraite, qui est matérialisée par le capital financier. L'abstrait, est au contraire rejetté, mais il est personnifié par les Juifs. Postone analyse ainsi la figure du juif dans l'antisémitisme moderne comme l'incarnation de la valeur abstraite.
Allemagne : la diffusion d'un film de Claude Lanzmann sur Israël dégénère.
Alors qu'une nouvelle scéance du film du réalisateur Claude Lanzmann Pourquoi Israël est prévue le 13 décembre, la précédente, le 25 octobre, dans un cinéma alternatif de Hambourg, a été empêchée par une trentaine de militants d'extrême gauche. Ils ont bloqué l'accès à la salle et ont mimé un poste de contrôle israélien. Des insultes " cochons juifs " ont fusé et quelques spectateurs ont même été blessés au visage. Les protestataires, issus pour la plupart du groupe anti-impérialiste Internationalistischen Zentrum B 5, installé dans les mêmes locaux que le cinéma, ont accusé Kritikmaximierung, un groupe politique d'étudiants de gauche, d'y avoir organisé un " événement pro-sioniste ". Le parti Die Linke (gauche radicale) dont le site Internet a publié le tract des activistes, a immédiatement condamné cette action. Presque toute la presse allemande est restée muette sur cet incident. Seule la Taz, quotidien de gauche, et quelques blogs ont rapporté les faits. " Ce qui s'est déroulé était de l'antisémitisme ", a expliqué au Monde Hanno Plass, un porte-parole de Kritikmaximierung.
Cécile Calla, dans Le Monde, 11 novembre 2009
Le Dimanche 25 octobre 2009, un groupe d’antisémites a empêché par la force la présentation du film de Claude Lanzmann « Pourquoi Israël » que le cinéma d’Hambourg b-movie et le groupe Kritikmaximierung (maximisation de critique) avaient prévu.
Les membres de « Internationales Zentrum » B5 (centre international B5), du groupe « Sozialistische Linke » (SoL) (Gauche socialiste) et de « Tierrechtsaktion Nord » (TAN) («action Nord des droits pour les animaux») avaient en effet préparé une algarade corporelle en se camouflant avec des protections pour la bouche et des gants en sable quartz pour dénier aux spectateurs et invités le droit d’entrer au cinéma. Cependant on frappait les visiteurs en plein visage tout en les insultant de "tantouze" ou de " Judenschweine " (" sale juif "). Les jours suivants ils menacaient des invités que les participants du blocage avaient réconnus dans la rue et au moins dans un cas par un acte de violence.
Dans une prise de position notifiée, le centre B5 justifiait le contenu du coup de violence et coupait court en parlant d'une " petite bagarre ". Cette prise de postition déborde aussi de clichés antisémites : Ainsi on qualifie le " sionisme " de " projet raciste ", par lequel " le caractère juif doit être protegé de façon artificielle ". Car l’artificiel dans la mentalité antisémite est toujours tout ce qui est juif, alors que ce qui est naturel appartient toujours aux autres peuples.
Pour nous il est insupportable et intolérable :
- Qu’un cinéma doive s’adapter et se rendre esclave de la bienveillance d’une action écran propre dans le voisinage ;
- Que la gauche se forme comme troupe de combat antisémite pour empêcher des réunions impopulaires sur le sujet Israël ;
- Qu’un film de Claude Lanzmann, juif français, résistant et réalisateur du film documentaire « Shoah », la documentation la plus importante sur l’extermination des juifs européens, puisse devenir l’objectif d’attaques en Allemagne.
Le film « Pourquoi Israël » (1973) ne decouvre non seulement les différentes facettes de la société en Israël mais en plus il fait voir la signification de l’État juif comme étant la conséquence de la Shoah, vu sous l’angle des juifs de la diaspora. Ceux, tel que les groupes autour de B5, qui veulent voir une " provocation " dans la présentation d’un film de ce genre et à laquelle on ne peut repondre qu’avec violence, se trouvent du côté de la barbarie.
Depuis des années ce spectre [politique] diffuse son antisémitisme de manière violente et cruelle. Ce sont les mêmes qui ont forcé leur accès au Freier Sender Kombinat (FSK; combinat de radio libre), afin d’assommer brutalement un critique de leur haine envers Israël ; les mêmes qui au cours d’une manifestation antifasciste en Janvier 2004 ont agressé les porteurs d’un transparent " penser Allemagne c’est penser Auschwitz " et les ont virés de la manifestation ; les mêmes qui depuis ces jours ne manquent pas une occasion de menacer et agresser des gens qui portent des drapeaux ou des banderolles d’Israël et qui jettent des bouteilles et des pierres contre eux, même contre ceux qui n’adhèrent pas pour une raison ou une autre, à leur vision du monde.
Ce qui a permis tout ce temps aux groupes autour de la B5 la poursuite de leurs actes de violence, est le fait qu’ils n’avaient pas à craindre une réaction de répprobation résolue de la majorité de la gauche et des forces alternatives. Presque aucune personne de la gauche ne se positionne explicitement de leur côté ; mais néanmoins beaucoup d’entre eux étaient prêts à reserver une place pour eux au milieu de leurs alliances ou au milieu de leurs fêtes de quartier ou alors ailleurs autour de leur scène.
Nous savons bien qu’il serait non seulement irresponsable mais encore plus dangereux de s’entendre avec les antisémites ; et nous savons bien que les matraqueurs gagnent en force avec chaque succès – Ainsi nous sommes convaincus qu’il est indispensable que le jour d’une nouvelle présentation de « Pourquoi Israël » le 13 décembre, au cinéma b-movie, cette présentation doit absolument avoir lieu !
Afin d’isoler politiquement les agresseurs du 25.10. et afin de rendre inadmissible une répétition de cette bagarre violente et antisémite nous vous appelons à vous joindre à la manifestation au b-movie.
Départ de la manif: 13.30 devant la Rote Flora
Manifestation finale: 15.00 devant le cinéma B-Movie
(Alliance contre l’intolérable à Hambourg, 18.11.09)
Signataires :
Antifaschistische Aktion HH-West, Antideutsche Gruppe Hamburg, Cosmoproletarian Solidarity, FAU Hamburg, Gruppe bricolage, Gruppe Emancipate, Hamburger Studienbibliothek, Jüdische Gemeinde Pinneberg, Landesarbeitskreis (LAK) Shalom der Linksjugend ['solid] Hamburg, McGuffin Foundation, Negative Approach, Projekt-R, Radio Loretta, Rapidas, Sous la plage, Stop the Bomb Hamburg, Bündnis Hamburg für Israel, Jüdischer Salon am Grindel e. V., Karo Ecke, Tocotronic, Superpunk, Herrenmagazin, Das Bierbeben, fluten, Heimatglück, jack fucking twist, Juri Gagarin, gorges, The Pleasant Delaneys, Sounds Outta Range (Byte FM), Günther Jacob, Regina Behrendt, Ecki Heins, Hans Stützer, Michael A. Bernard (Dramaturg & Kulturmanager), Kathrin Keller, Mathias Möller, René Pollak (Präsident Zionistische Organisation Deutschland), Karl Pfeifer (Journalist), Just, andcompany&Co, Sur l‘eau Lübeck, Antifaschistischer Frauenblock Leipzig (AFBL), Bundesarbeitskreis (BAK) Shalom der Linksjugend ['solid], Gruppe in widersprüchlicher Gesellschaft Bremen, Autonome Neuköllner Antifa (A.N.A.), ELA (Lüdenscheid), Antifaschistische Aktion Brick to Brick [b³] Marl, Gruppe gegen deutsche Normalität Köthen, Antifa Heinsberg, Gruppe IKIS, Jugendantifa Halle, Antifaschistische Gruppe A2K2 (westl. Ruhrgebiet), ...nevergoinghome (Berlin), lizaswelt.net, Left Resistance Wittenberg, Antideutsche Gruppe Brunsberg, antifa[Ak] moers, et2c Münster, marlene hates germany (Kiel), Antifaschistisches Bündnis Marzahn-Hellersdorf, le salon des communistes Düsseldorf, antifa and more Burg, gruppe demontage (Oldenburg), Kritische Initiative Schaumburg [K.I.S.], Rote Paprika Marl, alternative youth club Marl, dika (Deutsch-Israelischer Kulturaustausch) e. V., Hummel Antifa - antifaschistische Hochschulgruppe der Humboldt-Universität Berlin, Autonome Antifa Westerzgebirge, Basisgruppe Politikwissenschaft (Wien), theorie praxis lokal in der sozialistischen studien vereinigung Frankfurt am Main, Antifa Reutlingen, casual communists, Freund_Innen der befreiten Gesellschaft, Initiative Studierender am IG Farben Campus aus Frankfurt am Main, Prozionistische Linke Frankfurt, Antifa.Mitte (Berlin), Gruppe Morgenthau, neocommunistinnen (Frankfurt), Gruppe shutdown! (Köln), Israelsolidarische Studenten im Ruhrgebie, Lichtmess-Kino, Micha Brumlik, Egotronic, Gruppe Anomy Hannover, idiots.are.winning, Disinvent, Stefan Wittorf, Emanzipative Antifaschistische Gruppe (EAG-Berlin), classless Kulla, Spe©ialGalerie Peppi Guggenheim International Berlin (Hinweis: die S.G.P.G.I.B. zeigt am 10.12. den Film "Warum Israel" in der Weichselstr. 7, Neukölln, Berlin), Gruppe Slatan Dudow - Filme gegen Deutschland (Berlin), Antifa Jugend Plauen, tous et rien, subcutan (berlin), Kotzboy, Planet Dissi, KSV-Linke Liste (Wien), VVN-BdA (Berlin), Antifa-Recherche-Team-Zwickau, Junge Linke Lippstadt, Stefan Frank (Journalist), Antisexismusbündnis Berlin (ASB), associazione delle talpe, Freie Gedenkstättenpädagog_innen KZ Gedenkstätte Neuengamme, Petra Peters, Antifabündnis Süd-Ost (Berlin), Initiative gegen Antisemitismus und Antizionismus (IgAA) Hamburg, Naturfreundejugend Berlin, scheckkartenpunk, asap, TOP Berlin, Antifa Saar/Projekt AK, useless Rostock, Hate-Mag (Berlin), Institut für vergleichende Irrelevanz (Frankfurt am Main), Horst Pankow, bündnis madstop (Potsdam), Antifa Eckernförde, Les Madeleines, Antinationale Gruppe Bremen [ANG], Antifa 3.0, Redaktion des FreibÄrger, Martin Schwendemann, FUO, Martin Bongards, Kulturhaus III&70, AuA! (Wien), Fast Forward (Hannover), Archiv der sozialen Bewegungen Bremen, Rave Dave, Antifa Dithmarschen, Prof. Dr. Norbert Finzsch (Universität zu Köln), Simon Stern (Journalist), club für sich. Berlin, Alas! (Denkbewegung Bielefeld), love techno - hate germany (Berlin), Feine Sahne Fischfilet, streetart137, [paeris] Berlin, Antifa Task Force (ATF) Jena, Interessengemeinschaft Lüneburg, gruppe gegenstrom (Göttingen), Conne Island (Leipzig), Geschichtswerkstatt Wilhelmsburg & Hafen, Honigfabrik e. V. (Kulturzentrum in Hamburg-Wilhelmsburg), Extrablatt - Zeitschrift aus Gründen gegen fast alles, Antifaschistische Schüler_innen Vernetzung Berlin, Tobias Jaecker (Journalist, Berlin), Bündnis gegen Antisemitismus Leipzig, Birgit Hofmann, Grüne Jugend Hamburg, Bündnis gegen Antisemitismus Kassel, Gruppe B17, Olaf Danker (Kulturmanager, Braunschweig), AStA Referat für Internationales der Universität Osnabrück, Christine Achinger, Thierry Chervel, Fundi-Watchblog, Warner Poelchau (Autor), Lübecker Bündnis gegen Rassismus, Prof Dr. Heinz Gess (FH Bielefeld/Redaktion Kritiknetz), Skrollan Alwert (Filmemacherin, Feuerloescher TV) Redaktion EXIT! Krise und Kritik der Warengesellschaft, Gruppe Emanzipation und Frieden