Autour des thèses de « La Grande dévalorisation »
de E. Lohoff et N. Trenkle
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Présentation/débat avec
Paul Braun et Clément Homs
Ci-dessous le montage vidéo de la rencontre/débat avec Paul Braun (un des traducteurs) et Clément Homs sur la présentation du livre La Grande dévalorisation. Pourquoi la spéculation et la dette de l'Etat ne sont pas les causes de la crise d'Ernst Lohoff et Norbert Trenkle (352 pages, Post-éditions, 2014), au salon du belvédère à Montpellier le 25 novembre 2014 (à l'invitation des Amis 34 du Monde Diplomatique). Le montage et les titres qui scandent la vidéo sont le fait de Serge Totsain.
L'objet de la rencontre a été surtout de présenter les thèmes contenus dans la 1ère partie de l'ouvrage (« Les bornes de la valorisation du capital à l'ère de la troisième révolution industrielle »), en abordant plus succintement faute de temps, les parties 2 (« La logique du capital fictif ») et 3 (« Le déploiement historique du capital fictif ») de l'ouvrage, sur lesquelles une autre rencontre sera probablement organisée.
Voir la vidéo ici.
Autour du livre de Lohoff et Trenkle on peut également se reporter aux textes suivants :
- La borne interne du capitalisme (entretien avec Ernst Lohoff)
- Sur l'immense décharge du capital fictif. Les limites de l'ajournement de la crise et le délire des programmes d'austérité, par Ernst Lohoff et Norbert Trenkle.
- Recension de l'ouvrage « La Grande dévalorisation » dans « Les Lettres françaises » (journal L'Humanité) par Eric Arrivé.
- Le Manifeste contre le travail, d'Ernst Lohoff, Norbert Trenkle et Robert Kurz.
Présentation du livre par l'éditeur :
Qui porte la responsabilité de la crise financière et économique qui maintient le monde entier en haleine depuis 2008 ? Sont-ce les « banquiers cupides » ou les « États accro à l’endettement » ? D’après Ernst Lohoff et Norbert Trenkle, théoriciens allemands du groupe « Krisis », aucune de ces réponses n’est satisfaisante. La cause de la crise est en effet selon eux bien plus profonde. Ils analysent l’énorme gonflement des marchés financiers au cours des trois dernières décennies comme une conséquence de la crise structurelle fondamentale du mode de production capitaliste, dont l’origine remonte aux années 1970. La troisième révolution industrielle qui se met en place alors entraîne une éviction accélérée de la force de travail hors de la production, sapant ainsi les bases de la valorisation du capital au sein de « l’économie réelle ». La crise structurelle de la valorisation du capital n’a pu jusqu’ici être ajournée qu’en ayant massivement recours, par le biais du crédit et de la spéculation, à la capture anticipée de valeur future. Aujourd’hui, l’accumulation de « capital fictif » trouve ses limites, car les anciennes créances accumulées ne peuvent plus être « honorées ».
Le concept de « capital fictif » – telle est la thèse des deux auteurs – est fondamental pour comprendre le procès de crise actuel. Après un bref rappel historique de Norbert Trenkle sur l’évolution de l’économie dans la seconde moitié du vingtième siècle, Ernst Lohoff expose, dans la deuxième partie de l’ouvrage les bases théoriques pour la compréhension de cette sorte de capital (qu’il propose de nommer « marchandises d’ordre 2 ») et de son rôle dans le procès d’accumulation capitaliste. La troisième partie analyse l’évolution de la fonction du capital fictif dans le développement du mode de production capitaliste. S’il ne jouait qu’un rôle secondaire lors de la révolution industrielle, il prend une importance accrue à l’époque du fordisme, comme initiateur et point de départ de l’accumulation. Mais tandis que cette anticipation pouvait encore être honorée par une production de valeur réelle, cela n’est plus le cas aujourd’hui, à l’âge de la troisième révolution industrielle. Le capital fictif s’est transformé à son tour lui-même en moteur de l’accumulation, ce qui ne peut fonctionner qu’à travers une mainmise toujours plus importante sur l’avenir.
Après la crise de 2008, l’effondrement catastrophique du système capitaliste mondial n’a pu être empêché que par une intervention massive des États et des banques centrales, comme jamais l’histoire n’en avait connue. Si l’on doit à présent subir les conséquences de cette crise, sous la forme de l’endettement public et des « politiques d’austérité » imposées à la société, ce n’est pas parce que nous aurions vécu « au-dessus de nos moyens » et qu’il conviendrait de se « serrer la ceinture ». Bien au contraire, affirment Lohoff et Trenkle, la société vit largement au-dessous des possibilités créées par les nouveaux potentiels de productivité ; seulement, ces potentialités se transforment toujours davantage en forces toujours plus destructives au sein du système capitaliste. La société, telle est la thèse conclusive du livre, est désormais trop riche pour le capitalisme.
L’analyse originale de la crise développée ici se fonde sur une lecture de la théorie marxienne qui s’oppose en de nombreux points au marxisme traditionnel et à l’actuelle « renaissance de Marx ». Ici, Marx n’est pas le théoricien de la lutte des classes, mais celui qui développa la critique radicale d’une société fondée sur la production de marchandises et qui se heurte à ses propres contradictions internes. Les auteurs renouent avec cette pensée, la développent, et l’étayent de façon détaillée et documentée. Il en résulte une analyse de la crise qui s’oppose à tout ce qui s’échange actuellement sur le marché des idées.