De Jürgen Habermas à la Tiqqounerie ou " L'incarcération qui vient ", en passant par le courant de la " Multitude " ou la Badioumania, la pseudo-critique contemporaine brille par l'évacuation de la critique de l'économie politique, quand la crise n'a pas simplement remis en selle le vieux marxisme traditionnel ressuscité du tréfond des couches archéologiques dans lequel il s'était fossilisé.
Pour autant à partir de textes marxistes hétérodoxes vis à vis du marxisme vulgaire - marxisme du matérialisme dialectique et historique et du schéma base-superstructure qui ne voyait pas que son sujet révolutionnaire prolétarien et son travail, n'étaient que le capital variable complètement immanent au " fait social total " de la valeur -, à différents endroits du monde, des penseurs ont repris de fond en comble la critique de l'économie politique, avec Marx mais aussi au-delà de Marx. Ce courant, on devrait d'ailleurs plutôt dire cette mouvance tellement leurs auteurs divergent parfois sur des points importants, on a pris l'habitude de l'appeler en Allemagne où elle est maintenant bien installée dans le paysage de la critique radicale, la mouvance de " la critique de la valeur " (wertkritik), ou critique catégorielle. Car elle ne critique plus seulement comme le faisait le marxisme, la distribution de la plus-value, de l'argent, des marchandise et du travail en utilisant le schéma de la lutte des classes, elle critique en elles mêmes ces catégories d'argent, de marchandise, de travail et de valeur qui ne sont en rien naturelles et éternelles, mais sont des inventions spécifiques à une certaine forme historique et sociale, le capitalisme. Par exemple, le travail tel que nous le connaissons est une invention ou disons une émergence radicale et plutôt récente. Cette mouvance s'est développée dans le monde germanophone, si bien que là bas, les marxistes traditionnelles jouant encore le pipeau de la lutte des salles de classes bourgeoises et prolétariennes à l'intérieur pourtant de la même école de la marchandise, en perdent leur latin en utilisant pour seule réplique hystérique les insultes et les affects, plutôt que revenir sur le terrain de la théorie.
Cette mouvance vient de la relecture à partir des années 1970-1980 de divers matériaux théoriques, des Grundrisse et du livre 1 du Capital, de Karl Marx, mais aussi de Georg Lukàcs, Guy Debord, Roman Rosdolsky, Isaac Roubine, Hans-Georg Backhaus, Alfred Sohn-Rethel, Herbert Marcuse ou Theodor Adorno dans certains fragments. On pourrait dater la cristallisation théorique de cette mouvance de la critique de la valeur quand en 1986-1987, en Allemagne le groupe-revue Krisis se forme à Nuremberg autour de Robert Kurz ("L'effondrement de la modernisation", 1991) et de quelques autres, ou quand en 1987 paraît le maître-ouvrage le plus intéressant de Jean-Marie Vincent, " Critique du travail. Le faire et l'agir" aux PUF. Va suivre en 1993 le livre important de l'américain Moishe Postone, traduit en France en 2009, " Temps, travail et domination sociale. Une réinterprétation de la théorique critique de Marx". Après une première lettre d'infos sur les parutions bibliographiques en 2009 et en France portant sur cette mouvance, ci-dessous quelques livres ou revues récents avec leur 4ème de couverture qui font référence ou en partie seulement, à la critique de la valeur, la critique antiéconomique, pour sortir de la dissociation-valeur, pour sortir de l'économie. On trouvera une présentation de la critique de la valeur pour le public français dans le livre d'Anselm Jappe, " Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur ", Denoel, 2003.
Palim Psao
Alfred Sohn-Rethel, " La pensée-marchandise ", éditions Le croquant, 2010.
Alfred Sohn-Rethel (1899-1990), sociologue, économiste et historien allemand inspiré par Marx, a parti¬cipé à l’élaboration de la « Théorie critique » d’Adorno (qui l’admirait), Benjamin et Horkheimer dans les années 1930. Ce n’est que dans les années 1970, après un long exil en Angleterre, que ses écrits furent publiés en Allemagne et qu’il put enseigner à l’Université de Brême, suscitant des débats passionnés dans la gauche allemande.
Anselm Jappe est l’auteur des livres Guy Debord (Denoël 2001), Les Aventures de la marchandise (Denoël 2003) et L’Avant-garde inacceptable (Lignes, 2004). Il enseigne l’esthétique à l’École d’art de Frosinone (Italie). Il participe aux revues Exit ! (Nuremberg, Allemagne) et Illusio (Caen).



Article d'Anselm Jappe, " Est-ce que l'argent nous pense ? ", dans la revue Prétentaine, n°25-26, aux éditions Beauchesne. Cette revue de très belle facture et d'un niveau scientifique à la hauteur des enjeux, dirigée par Jean-Marie Brohm, revient sur la question des différents modes de penser au travers d'une ribambelle d'auteurs divers et variés. L'article d'Anselm Jappe reprend d'un autre façon, sa préface au livre majeur d'Alfred Sohn-Rethel, La pensée-marchandise qui vient de paraître aux éditions Le croquant.


[...] El capitalismo está tocando a su fin. La prueba: el derrumbe de la Unión Soviética. Base del análisis: la «oscura» crítica del «valor» de un tal Karl Marx. ¿Serán la lucha de clases y la lucha por la democracia las que derrotarán al capitalismo? La lucha de clases no ha sido otra cosa que el motor del desarrollo capitalista y jamás podrá conducir a su superación. La democracia no es el antagonista del capitalismo sino su forma política, y ambos han agotado su papel histórico. [...]
[...] Tal vez no se llegará a un «viernes negro» como en 1929, a un «día del juicio». Pero hay buenas razones para suponer que estamos presenciando el fin de una larga época histórica: la época en que la actividad productiva y los productos no sirven para satisfacer necesidades, sino para alimentar el ciclo incesante del trabajo que valoriza el capital y del capital que emplea el trabajo. La mercancía y el trabajo, el dinero y la regulación estatal, la competición y el mercado: detrás de las crisis financieras que vienen repitiéndose desde hace veinte años, se perfila la crisis de todas esas categorías, las cuales -cosa que nunca se recuerda lo bastante- no forman parte de la existencia humana desde siempre ni en todas partes. Se han apoderado de la vida humana a lo largo de los últimos siglos y podrán evolucionar hacia algo diferente: algo mejor, o algo todavía peor. [...]
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Para los autores de este libro, la actualidad del pensamiento de Marx está en lo que tiene de más radical: la crítica de la mercancía y del dinero, del trabajo y del Estado. Lo obsoleto es, por el contrario, lo que suele aceptarse hoy como políticamente correcto: la apología del progreso, de la democracia y de la modernidad. Y también, para más escándalo, la lucha de clases: la revolución no surge de la lucha de clase contra clase, sino de la rebelión contra los fetiches abstractos de Dinero y Capital a los que hemos cedido el dominio sobre nuestras vidas.
Los ensayos aquí reunidos forman una suerte de breviario de la crítica radical de la sociedad de la mercancía, de sus instituciones -el mercado y el trabajo, la ciencia y el arte- y sus ideologías, desde el marxismo hasta las filosofías posmodernas; también hablan de los antecedentes de esa crítica, desde Hegel y Leopardi hasta los situacionistas.
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Robert Kurz y Claus-Peter Ortlieb han estado entre los impulsores de las revistas Krisis, desde 1986, y Exit!, desde 2004, en cuyas páginas se ha venido elaborando esa crítica del valor, heredera de aquel Marx «esotérico» que declaraba no ser marxista. Kurz es además autor de Der Kollaps der Modernisierung (El colapso de la modernización, 1991), Schwarzbuch Kapitalismus (El libro negro del capitalismo, 1999), Marx lesen (Leer a Marx, 2001), Weltordnungskrieg (La guerra por el orden mundial, 2003) y Das Weltkapital (El capital mundial, 2005).
Anselm Jappe, autor de Guy Debord (cast. 1998), ha dado a conocer esa nueva corriente de pensamiento en numerosas publicaciones en lengua italiana y francesa (Les Aventures de la marchandise, 2003; artículos en Il Manifesto, Lignes, etc.).
Oscar Negt, " L'espace public oppositionnel ", Payot.

Revue Illusio n°6 : " Mafia et comportements mafieux ".
Depuis la récente crise financière qui a fait frémir le système économique mondialisé, on n’en finit plus de vouloir moraliser, réformer le capitalisme pour le faire mieux vivre et le renforcer alors que celui-ci se présente chaque jour sous une lumière mafieuse, criminelle et anti-démocratique. Loin d’être un système vertueux en capacité d’autorégulation, comme l’avaient imaginé les économistes libéraux au travers de la fantasmatique main invisible, le marché s’accommode et organise parfaitement trafics, comportements illicites, paradis fiscaux, sociétés off-shore, corruptions et semble même s’institutionnaliser sur ce mode. Aussi, ce numéro d’Illusio est-il consacré à l’étude des mafias et des comportements mafieux dans le monde contemporain. Plutôt que de restreindre cette réflexion à une description des réseaux ou des groupes mafieux, nous avons choisi de questionner les fondements du système mafieux, ses liens avec la tradition et sa faculté d’adaptation aux évolutions sociétales, son enracinement capitaliste, sa porosité en tant qu’il constitue finalement un véritable caméléon.
Sommaire
Illusio | Mafia et comportements mafieux |
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Sociétes criminelles
Éric de Montgolfier | Du jeu des apparences. Normes, déviances et criminalité |
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Didier Lebert et Carlo Vercellone | Essai sur les transformations de la Mafia-entreprise en Italie |
Nicolas Oblin et Patrick Vassort | L’institutionnalisation du crime ou la sauvage victoire du capitalisme |
Jean de Maillard | Penser le crime après Durkheim : à quoi sert la criminalité ? |
Clotilde Champeyrache | Le paradoxe mafieux ou l’abolition des frontières entre légalité et illégalité |
Gérard Rabinovitch | Le trafiquant et ses caves. Hors-champ d’un film à succès |
Arrangements mafieux
Dany-Robert Dufour | Libéralisme, libération des passions, pulsions, trafics et mafias |
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Wolfgang Pohrt | Les amis |
Guy Debord | La mafia n’est pas étrangère… |
Estelle Deléage | L’agriculture productiviste hors la loi ! |
Sandrine Boulmier et Nadia Veyrié | Devenir animal et fausse conscience.Réflexions sur la chasse et le trafic d’organes d’ours |
Anselm Jappe | « Common decency » ou corporatisme ? Observations sur l’oeuvre de Jean-Claude Michéa |
Luis Bredlow | Notes sur la résistance, la tradition et l’indigénisme |
Wolfgang Pohrt | Les vétérans |
L'honorable famille sportive
Fabien Lebrun | Mafias, médias et sport : une alliance anti-démocratique |
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Andrew Jennings | Le CIO, la FIFA, le capitalisme et leur monde de gangsters |
Patrick Vassort | Le sport : un crime institutionnalisé |
Abdellatif Naja | Les dignitaires du sport marocain. Une autocratie vieillissante aux relents mafieux |
Nicolas Oblin | Un sport d’honneur. Critique des tribus sportives |