Le texte suivant est extrait du livre de Robert Kurz, Lire Marx. Les textes les plus importants de Karl Marx pour le XXIe siècle. Choisis et commentés par Robert Kurz, La balustrade, 2002 (p. 253-259), aujourd’hui épuisé. Au-delà des théories marxistes de l'effondrement du capitalisme chez Henryk Grossmann ou Paul Mattick, Robert Kurz (1943-2012) inspirateur de la mouvance de la critique de la valeur, a développé une théorie sur l'effondrement de la modernisation fondée sur l'oeuvre de la maturité de Karl Marx.
Le mécanisme et la tendance historique
des crises
Robert Kurz
2002
Quasiment rien n’est aussi actuel et aussi neuf dans l’oeuvre de Marx que sa théorie de la crise. Rien non plus n’est plus loin de la pensée des universitaires appartenant aux sciences économiques et sociales ou de la pensée des derniers marxistes que de reprendre ou même de préciser la théorie de la crise de Marx. Il y a bien sûr des raisons à cela. Marx est aujourd’hui considéré, dans le monde universitaire, comme le grand perdant. On ne peut plus obtenir de diplôme universitaire ni faire de carrière scientifique en travaillant sur Marx, comme c’était encore le cas dans les années 70, quand les nouveaux mouvements sociaux de l’époque l’avaient mis à la mode – passagère et superficielle – dans la recherche. Inversement, Marx est également passé de mode comme objet de critique. Fort de sa victoire soi-disant définitive, le capitalisme tient la théorie marxiste en général et sa théorie de la crise en particulier pour désormais ne méritant même plus la critique ; les défenseurs universitaires du capitalisme et leur claque, devenus inutiles, seraient réduits au chômage. Où trouveraient-ils, après Marx, un adversaire à qui se mesurer et qui justifierait leur raison d’être ?
Pourtant, leur prétentieuse arrogance de vainqueurs leur fait inconsciemment renoncer à une chance de marché non négligeable. Assommé par le consensus économique mondial, le public ne trouverait rien de plus excitant que d’être embarqué dans le train fantôme d’un grand roman de crise et de se laisser, encore une fois, envahir par le délicieux frisson suscité par le spectre chancelant de Marx, pour naturellement pouvoir ensuite, dans l’inévitable happy end, se presser contre la poitrine – maintes fois fortifiée – du capitalisme sorti glorieux de la crise.
La petite bande des derniers marxistes encore loyaux du mouvement ouvrier ne donne pas vraiment l'impression de vouloir remporter la nouvelle offensive avec la théorie marxiste de la crise reformulée. En effet, contrairement à différentes rumeurs, la théorie de la crise n’a jamais joué un grand rôle dans la réception de Marx dans l’ancien mouvement ouvrier. En fait, dans la perspective du Marx exotérique, la crise n’est qu’un épiphénomène, un facteur extérieur à la lutte des classes, quand elle n’en est pas – comme il paraît ça et là dans les traités de Marx – sa seule fonction ; la crise, dans son sens strict, serait finalement déterminée par l’action de la classe, non pas objectivement, mais subjectivement, du simple fait de la volonté. Dans ce cas, la crise signifierait seulement que le capitalisme ne peut plus faire ce qu’il veut, parce que les travailleurs salariés ne veulent plus faire ce qu’ils doivent.
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Voir le Fichier : La_veritable_barriere_de_la_production_capitaliste_est_le_capital_lui_meme.pdf
Les extraits précédents de ce livre de Robert Kurz :
- Introduction du Chapitre 1 : Ils ne le savent pas mais ils le font. Le mode de production capitaliste est une fin en soi irrationnelle.
- Introduction du Chapitre 2 : L'essence étrangère et les organes du cerveau. Critique et crise de la société du travail.
- Introduction du Chapitre 3 : Critique de la nation, de l'Etat, du droit, de la politique et de la démocratie
- Introduction du Chapitre 4 : Saignant et purulent par tous ses pores : le vilain capitalisme et sa barbarie.
- Introduction du Chapitre 7