Ci-dessous le texte retravaillé d'un exposé de Gérard Briche, membre des groupes allemands Krisis et Exit, que nous avons organisé à Bourges en mai 2010. Nous lui avions demandé de venir nous parler du situationnisme, de son actualité aujourd'hui pour contester la société présente, et de la signification bien comprise de quelques uns de ses principaux concepts au regard des nombreux contre-sens sur le concept de spectacle aujourd'hui, notamment chez un grand nombre de commentateurs de l'oeuvre de Debord. C'est en conservant en partie l'oralité de l'exposé, et avec une grande qualité pédagogique qu'il présente les principaux ressorts du concept de spectacle chez Debord et certains points de l'analyse de la critique de la valeur (wertkritik).
Bonne lecture à toutEs !
Palim Psao
Dans un essai récent [1], Anselm Jappe écrivait que le terme de « société du spectacle » était indiscutablement dans le groupe de tête des concepts employés aujourd’hui. Le « spectacle » est un concept critique développé par les situationnistes ; j’ai eu l’occasion d’indiquer [2] comment ce terme, au commencement presque banal, était devenu, en particulier après les élaborations de Guy Debord [3], redoutablement pertinent pour décrire les sociétés capitalistes-marchandes, et mettre en évidence les moyens de leur nuire.
On peut en effet considérer que l’élaboration de la notion de « spectacle » est l’arme critique la plus aiguisée qu’ont produite les situationnistes, qui en ont pourtant produit plusieurs (la situation, la séparation, etc.). On peut même considérer que cette notion est le concept qui permet de faire comprendre tous les autres (un peu comme chez Marx, le concept de marchandise permet de faire comprendre tous les autres).
Il n’en reste pas moins que cette notion est, plus ou moins volontairement, employée de manière fautive. Mon propos sera donc de préciser le sens de ce concept fondamental, sa portée, et de mettre en évidence les contresens dont son usage est coutumier. Il sera ensuite possible d’engager une discussion.
Mais dans un premier temps, je voudrais préciser de quel point de vue je parle. Et comme ce point de vue est celui de ce qu’on appelle « la (nouvelle) critique de la valeur » [4], je voudrais expliquer en quoi la critique de la valeur s’intéresse à la théorie situationniste.
Pour lire la suite du texte (11 pages) :
Voir le Fichier : Le_concept_de_spectacle_sens_et_contre_sens1.pdf
[1] Anselm Jappe, « Baudrillard, détournement par excès » in Lignes, n°31, février 2010, p. 67.
[2] Gérard Briche, « Le spectacle comme illusion et comme réalité », communication au colloque sur Guy Debord organisé en 2007 par le Parlement des philosophes de Strasbourg.
[3] Guy Debord, La Société du spectacle [1967], Gallimard/folio.
[4] Sur cette mouvance, on peut renvoyer aux livres du groupe Krisis, Manifeste contre le travail, UGE 10/18 ; de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale. Une réinterprétation de la théorie critique de Marx, Mille et une nuits, 2009 ; de Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur, Denoël, 2003 ; de Robert Kurz, Lire Marx, La balustrade, 2002 ; de Robert Kurz, Avis aux naufragés, Lignes, 2005 ; de Robert Kurz et Anselm Jappe, Les Habits neufs de l’Empire. Remarques sur Negri, Hardt, Rufin, Lignes Léo Scheer, 2003.
D'autres textes de Gérard Briche :
- Le spectacle comme illusion et réalité : Guy Debord et la critique de la valeur. (colloque " Dérives pour Guy Debord ", 2007, Strasbourg)
- L'origine de l'homme est encore devant nous (colloque Fétichisme et émancipation sociale, Brésil 2008)
- Domination de la marchandise dans les sociétés contemporaines Une présentation de la wertkritik (existe également en brochure chez les éditions Pire Fiction)
- Baudrillard lecteur de Marx (paru dans la revue Ligne, n°31, février 2010)
- L'industrie culturelle et l'apothéose de la marchandise absolue. A propos du mot de Baudelaire : " Tout art doit se suffire à lui-même " (" Journées critiques ", mars 2010, Université Lyon II).
- Pourquoi la crise s'aggrave : la croissance ne crée pas de la richesse mais de la pauvreté. (2009)