Dans le lien suivant on retrouvera l'enregistrement audio de la conférence-discussion avec Anselm Jappe à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), le 15 mars 2013, qui porte essentiellement sur le dialogue critique engagé entre la critique de la valeur et les sciences sociales :
Au travers d'une présentation historique et théorique de la critique de la valeur forgée par Robert Kurz et les revues Krisis et Exit ! en Allemagne, plusieurs thématiques sont abordées par Anselm Jappe :
1. La rupture avec la Théorie critique de Francfort et l'ensemble des marxismes traditionnels : les fondations de la critique de la valeur.
2. Pratique, luttes et nécessité de l'autonomie de la théorie critique.
3. L'apport de la critique de la valeur à un nouveau paradigme des sciences sociales, c'est-à-dire un paradigme de la « constitution-fétiche » (Robert Kurz) de la société moderne et de l'agir social, permettant d'aller au-delà des vieilles dichotomies traditionnelles dans les sciences sociales : au-delà du nominalisme et du réalisme, au-delà de l'objectivisme et du subjectivisme, au-delà du structuralisme et de individualisme méthodologique, au-delà du schéma marxiste base-superstructure, etc. Une nouvelle théorie de l'agir social comme un nouveau concept de « domination sans sujet » peuvent ainsi être développés à partir de la critique des formes sociales capitalistes.
4. Dans le dialogue entre la critique de la valeur et les théories des fétichismes sociaux dans l'anthropologie des sociétés précapitalistes (Durkheim, Mauss, Polanyi, Dumont, Sahlins, etc.), l'auteur aborde également la critique du matérialisme historique et de l'économisme parfois transhistorique de Marx lui-même. Puis est esquissée la critique en tant que tel du concept d' « économie », la « réalité économique » est une réalité historiquement spécifique à la forme de vie sociale capitaliste.
5. La valeur comme projection/transfert de la puissance sociale de travail pouvant passer d'un objet à un autre. Correspondance avec le concept de « mana » chez Mauss.
6. Il n'y a pas de rationalité capitaliste comme le croient le marxisme traditionnel et le matérialisme historique et dialectique. Le rapport-capital n'est pas un rapport conscient et autodéterminé même par une classe capitaliste qui serait au fondement du capitalisme. La dynamique capitaliste est profondément tautologique et irrationnelle. Le capitalisme est fondamentalement un nouveau fétichisme social, qui a envahit tous les aspects de nos vies, le capital constitue une « métaphysique réelle » (R. Kurz).
7. Critique de la rétro-projection des formes sociales capitalistes modernes sur toute l'histoire des sociétés humaines (exemples des concepts d'économie et d'Etat). Critique de l'ontologisation des fétichismes sociaux, des institutions et des formes sociales chez de nombreux anthropologues modernes (Descola, etc.).
8. La coupure radicale de la société capitaliste avec les sociétés précapitalistes aux XVe et XVIe siècles : la théorie du « big bang de la modernité » chez Robert Kurz, avec la « révolution militaire » (Geoffrey Parker) des armes à feu comme origine du travail dans son caractère bifide, concret et abstrait. La forme valeur est enfin saisie comme forme totale et dynamique qui pousse à sa propre illimitation auto-destructrice.
Suit une longue discussion.
Je remercie ici les organisateurs canadiens et Eric Martin en particulier, pour nous avoir transmis ces enregistrements audio, et Emile Kirschey pour la mise en ligne de ces enregistrements.
Bonne lecture,
Palim Psao
Images dialectiques du rapport fétiche-capital :
- Ci-dessus, une communauté fermée au nord de Englewood en Floride en 2012 .
- Ci-dessous, une communauté fermée construite autour d'un lac artificiel au sud de Bonita Springs en Floride en 2012 (source : Boston big Picture Project)