Ci-dessous en PDF, un texte « Communisation VS Sphères » qui vient du courant français de la communisation, il a été publié initialement sur le site DNDF, et parle de la volonté d’en finir avec les luttes revendicatives actuelles portant sur l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de toujours la même forme de vie collective mutilante. Ce texte se propose de contribuer à la nécessité d'abolir les genres de la masculinité et de la féminité, des sphères privé et publique, corrélativement à leur constitution dans la société capitaliste-marchande.
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Ce texte très intéressant me fait beaucoup penser à la théorie de la dissociation-valeur développée par la théoricienne allemande Roswitha Scholz du groupe Exit (scission du Krisis allemand en 2004, scission qui a d’ailleurs porté en partie sur la théorie de la scission sexuelle qu’opère la valeur), dont on retrouvera le premier chapitre de son livre « Le Sexe du capitalisme » dans ce texte intitulé « Remarques sur les notions de ” valeur ” et de ‘‘ dissociation valeur ” ». Johannes Vogele a tenté aussi un résumé de l’ouvrage dans ce texte « Le côté obscur du capital. ” Masculinité ” et ” féminité ” comme piliers de la modernité ».
Cette thèse avance que la socialisation par la valeur, ce principe social synthétique dont le contenu est le travail abstrait, est en relation étroite avec le rapport entre les sexes : il y a un patriarcat de la forme valeur (donc une domination masculine spécifiquement moderne-capitaliste) qui parachève les formes du patriarcat précédent liées à des rapports sociaux non capitalistes. Cette critique a été adressée aux mouvements féministes, qui partageaient avec le marxisme l’ontologie du travail en voulant intégrer les femmes comme prestataires de travail abstrait comme les hommes – donc comme sujet dans la sphère publique. Une critique qui s'adresse aux théories féministes traditionnelles qui renvoient toujours vers une compréhension transhistorique du patriarcat trop peu précise (« l'éternel patriarcat »), un peu de manière abstraite, sans le comprendre avec ses spécificités présentes, historiquement spécifiques, auxquelles nous avons pourtant à faire, c’est-à-dire en abandonnant totalement (comme dans la pensée postmoderne, pensons aux « Gender studies » et à la théorie inconsistante de Judith Butler dont il faut voir l'excellente critique portée par Séverine Denieul dans le n°1 de la revue « L'autre côté ») la critique de l’économie politique. La critique imaginant généralement une forme invariante et transhistorique de la domination masculine, réduit la domination masculine à une sorte d'atavisme (de l'homme des cavernes !), un dernier reste pré-moderne dont il faudrait simplement laver la modernité capitaliste-marchande et ses Lumières, quand cette domination du mâle n'est pas projetée sur une « nature humaine » ou au choix un « péché originel » (le passage de sociétés matriarcales néolithiques à des sociétés patriarcales). Les ressorts sociaux de la domination masculine présente seraient de toute façon à saisir dans la structure de la forme invariante de l'éternel patriarcat. Comme si on pouvait un bref instant expliquer la domination masculine présente, en renvoyant cela à une Histoire complètement hypostasiée (le patriarcat transhistorique) descendant tous les jours du ciel du passé dans son trône majestueux.
Cette dénonciation du patriarcat éternel est aussi banale que le fait de dire qu'il y a toujours eu du racisme, de l'homophobie, des formes de barbarie, et même de la connerie, etc. La critique de cette saisie transhistorique de la domination masculine au sein de la société moderne, peut aussi porter sur le discours antiraciste traditionnel de gauche et des associations de lutte contre les discriminations, la critique de l'antisémitisme moderne portée par des organisations juives ou la critique de l'homophobie portée par des associations de défenses des homosexuels. Généralement, il n'y a jamais là une critique de l'économie politique. Parce que les formes modernes de racisme, d'antisémitisme et d’homophobie ne peuvent être en aucune façon comprises comme des restes pré-modernes qui seraient restés dans l’obscurité inatteignable par les Lumières de la modernité et de la « civilisation capitaliste des mœurs » (pour détourner N. Elias), il faut revenir à cette critique de l'économie en tant que telle, comme pratique et signification. Pour Roswitha Scholz, en renouant avec la critique de l'économie politique, la question féministe est donc tout sauf qu’un problème féministe, et de femmes, ce problème qui touche aussi l'abolition du genre masculin tel que nous le connaissons et la question de la reproduction d'un monde hétéronormé, épouse toute la question de la société capitaliste-marchande dans laquelle nous vivons.
Le fonctionnement du monde moderne de la valorisation, loin d’être la libération supposée des femmes comme le croit une partie du sens commun (la fameuse « libération des femmes ») et du féminisme bourgeois qui y a cru un moment, opère continuellement une très forte dissociation entre deux séries sexuées, d’attitudes, valeurs et réalités humaines. La scission qu’opère la valeur constituant une domination masculine spécifiquement moderne et un monde hétéro-normé, dérive du fait que la dynamique du capital qui totalise la société moderne et la reproduit comme société fétichisée, constitue une forme de domination indirecte et impersonnelle du temps et du travail sur les individus qui conforme leur agir à son être propre (cf. Postone), c’est-à-dire à un agir pour la valeur, en dissociant des attitudes, des valeurs, des réalités humaines pour la valeur. Cette dissociation sépare une première série sexuée de ces derniers, qui modèle l’homme quand elle fait de lui un producteur efficace en le coupant, au moyen de la dissociation-valeur, des caractéristiques qui constitueraient un handicap pour la production : la sensibilité, la faiblesse, l’attention à l’autre et à soi, l’inefficacité, etc., sont des attitudes incompatibles avec la densification de la productivité opérée dans le mouvement de la valeur. Au contraire, au travail on se doit d’être efficace, performant, compétent, agressif, perfectionniste, rationnel, calculateur, détaché, dur avec soi-même comme avec les autres pour obtenir le « meilleur » de soi-même et des autres, on doit aussi dominer par autodiscipline les contraintes que l'on subit ou être capable de donner toute son énergie virile dans le travail et la production de marchandises, etc. Cette dissociation fait des hommes et des femmes (quand elles s’intègreront à ce monde du travail et cette sphère publique) des êtres mutilés, des sujets pour la valeur, qui ne peuvent plus vivre, et qui ne peuvent plus penser, que pour et en fonction de la valeur. L'abstraction de la forme valeur modèle là dans cette première série sexuée un sujet moderne « supérieur » à ceux (femmes, enfants, « vieux », « nègres », etc.) qui seront incapables de se subjectiver en une simple puissance de travail disponible et simple support et appendice du mouvement de la valorisation. La domination masculine historiquement spécifique à la modernité est alors structurellement informée au sein du rapport social autoréflexif de la valeur et de la survaleur. Le mouvement de la valeur, qui n'a rien d'un simple fait économique mais qui est plutôt un « fait social total » (comme disait Marcel Mauss mais au sujet du don), constitue et reconstitue toujours et de manière inlassable, ce pôle d'un sujet moderne « supérieur », mâle et blanc (le noir étant assimilé à la femme). Mais ces contenus de conscience de la forme-sujet moderne ne sont pas déterminés par l’économique, comme dans le schéma base-superstructure de matérialisme historique, qui disait qu’il y avait une relation entre le travail concret et la pensée. Il faut plutôt en dépassant les termes mêmes du sablier marxiste base-superstructure (idéalisme et matérialisme) penser que les « formes sociales qui médiatisent les hommes entre eux et avec la nature […] sont en même temps des formes d’être et de conscience » (Postone, TTDS, p. 326). Et non pas en rester comme l'a fait la critique du matérialisme historique depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, dans un renversement du sablier marxiste base-superstructure pour le mettre simplement à l'envers ce qui nous laisse prisonnier de ses termes (on peut penser ici à Castoriadis, Latouche, Michéa, etc., et plus encore à Michel Foucault qui comme l'a bien montré Michel Henry n'a toujours fait que du sous-Hegel. On se reportera aussi à la critique de l'oeuvre de Jacques Derrida dans le texte de Postone publié dans « Marx est-il devenu muet ? », L'Aube, 2003).
Ce dissociation sexuée constituant les genres au sein de la formation sociale capitaliste s’explique aussi d’une autre manière au regard de la logique de la valeur. Toutes les fonctions vivantes, tout le contenu sensoriel de la vie humaine n’arrivent pas à être reproduits dans le propre mouvement autoréflexif du processus social de la valeur qui se valorise (capital), et pourtant ils restent une condition nécessaire à la reproduction sociale de cette société capitaliste-marchande. L’ensemble de la vie n’est en effet pas transposable dans les catégories de travail, argent, marchandise et capital (on ne voit pas ainsi encore apparaitre ce phénomène où un bébé devrait payer ses parents pour lui donner le sein ou le biberon et l’éduquer). La forme marchande ne peut ainsi être donnée à la totalité des rapports sociaux, bien que la folie de la fin en soi absurde de la valorisation tente cette fuite en avant devant sa propre crise, mais c’est encore scier la branche sur laquelle repose une partie conséquente de sa reproduction sociale. Ainsi l'abstraction de la forme valeur modèle une deuxième série sexuée d'attitudes, valeurs et réalités humaines, qui ne saura pas devenir une puissance de travail disponible subsumée réellement par le mouvement de la valeur.
Cette assignation dans la dissociation sexuelle, constituant la forme moderne des genres dans la société moderne et par là une forme spécifique (et non à comprendre de manière transhistorique) d’un monde social hétéronormé, constitue également en creux la forme moderne de l’homophobie spécifique à la constitution de la dissociation-valeur. Tout ce qui n’apparaît pas comme devant relever de ce qui doit être l’homme et la femme dans le cadre de cette dissociation-valeur, est immédiatement rejeté avec force et brutalité.
La paradoxale intégration féminine dans la sphère publique, ne peut se faire que dans le cadre toujours reproduit et jamais dépassé de la dissociation valeur, ce que démontre bien à la fois le « devenir homme » des femmes dans la sphère publique (toujours marquée par l'incorporation nécessaire de la première série sexuée de subjectivisation constituant le sujet moderne « supérieur ») et le « double travail » (travail abstrait et tâche domestique) auquel sont toujours astreintes les femmes aujourd’hui qui s'intègreraient dans la sphère publique. Ainsi dans un sens, les femmes quand elles entrent dans le travail ou dans le reste de la sphère publique comme politique, elles doivent endosser la forme inconsciente de la conscience masculine, la forme sujet pour la valeur. En sens inverse, prisonnières de la projection essentialiste de cette sphère féminine d’assignation, dans une « nature de la femme » comme donc de la volonté de rejoindre la sphère masculine de la valorisation, toutes les théories féministes bourgeoises sont restées cloîtré dans une dialectique balançant toujours entre volonté d’égalité (en se tournant vers le côté masculin de la valeur) et volonté de différence (en se tournant vers le côté obscur dissocié de la valeur, vers l’assignation à la féminité). C’est là tout l’enferment du féminisme bourgeois dans ce ping pong constitué par la forme valeur, qui le rend incapable de dépasser l’assignation des genres et la reconstitution toujours recommencée de la domination masculine dans la logique « dissociante » de la valeur. Comme les revendications de la fameuse lutte des classes du mouvement ouvrier, en termes de meilleurs salaires, d'embauches, de production accrue, de distribution des gains de productivité, de droit de regard du personnel sur l'organisation du travail, de partage des dividendes ou d'interdiction des licenciements, de meilleures conditions de travail, de défense de l'Etat social capitaliste de Providence, etc., qui ne sortiront jamais du cadre social capitaliste car elles ne forment qu'une lutte d'intérêts immanente à la forme de vie capitaliste-marchande (ce qu'a toujours été la lutte des classes), les revendications féministes bourgeoises resteront toujours dans le cadre social immanent constitutif de la domination masculine moderne, au travers de la lutte pour une autonomie financière à l’égale du mari, de l’égalité salariale avec les hommes, de l’égalité dans la représentation dans la chambre parlementaire de la démocratie bourgeoise avec la parité, etc. Ces luttes revendicatives à l'intérieur de la forme sociale capitaliste-marchande, sont donc largement non-émancipatrices pour les femmes car elles sont incapables d'arriver à la mise en cause radicale du cadre des formes de cohésion sociale qui constitue de manière historiquement spécifique la forme de la domination masculine sous le capitalisme. Cette position bourgeoise revendicative est donc largement extrémiste en ce sens où elle ne pourra jamais faire autrement que présupposer l'égalité des hommes et des femmes à l'intérieur même de la fin en soi extrêmiste et absurde de la valorisation. C'est-à-dire revendiquer dans le cadre même de l'assignation des genres par la dissociation valeur, une improbable égalité des femmes et des hommes. Revendicant vouloir la fin de la domination masculine, la théorie féministe bourgeoise (comme en son temps, soviétique) n'a que pour seule solution l'endossement égalitaire de la forme sujet mâle de la valeur (au travers de l'accès au travail, au salaires, à la forme bourgeoise de la politique, etc.), c'est-à-dire la soumission durable à la logique profonde de la constitution de la forme moderne de la domination masculine. Ou alors la solution devient celle de la revendication de sa part de féminité afin d'apporter quelque chose à la forme sujet mâle que l'on revendique d'intégrer fièrement, mais ce qui ne peut encore une fois que présupposer le monde de la dissociation-valeur d'une série de comportements, de valeurs et de réalités humaines assignée comme étant la « féminité ». La théorie féministe bourgeoise peut ainsi être interprétée comme une contradiction en procès, une contre-productivité qui la plonge dans une impuissance caractéristique de l'évolution (voire involution) léthargique de la question de l'émancipation des femmes depuis les années 70. Elle se tire littéralement une balle dans le pied. Extrémisme aveuglé aussi de la théorie féministe bourgeoise (ou traditionnelle), parce que la reconstitution toujours recommencée de la domination masculine dans le non-dépassement présent de l’économie, de la valeur, de l'argent et du travail, engendre de toujours plus grandes violences faites aux femmes dans le cadre social de cette constitution moderne des genres. La violence de la domination masculine s'exacerbant socialement au fur et à mesure que la crise de la valeur s'élargit, rendant nécessaire la virilisation toujours plus barbare des hommes qui doivent toujours plus s'autopréparer à la guerre économique intercapitaliste au sein des entreprises. C'est-à-dire que la forme mâle et socialement « supérieure » de subjectivation non seulement ne cesse de se reconstituer comme corrélative du fait social de la valorisation, mais tend à monter en tension sous une forme de plus en plus barbare au sein de la crise de la valeur. Des seuils nouveaux étant franchis dans la subjectivation mâle dominante socialement « supérieure ».
La question de l'émancipation des femmes, ne peut que renvoyer à une saisie de la forme de domination masculine au sein de la formation sociale capitaliste-marchande. Elle ne peut pas être qu'une question féministe, car elle est l'endroit de la question de l'émancipation des hommes de l'assignation du genre masculin dans la société présente. La question de l'auto-abolition du genre féminin sous le capitalisme, est donc aussi la question de l'abolition de la forme-sujet mâle moderne nécessaire à la généralisation de la forme-valeur, afin que les individus puissent se représenter à la fois sous forme de puissance de travail disponible sur le marché, et comme forme de volonté politique afin d'exprimer une liberté individuelle par le vote. L'émancipation prochaine des médiations sociales constituant la forme de vie que nous menons, devra aussi être nécessairement la co-abolition de la forme sujet féminine « inférieure » et dominée comme celle de la forme-sujet masculine moderne « supérieure » et dominante.
Je mets là quelques observations au sujet du texte de B.L. :
1. Pourquoi dire que le processus de communisation et l’autre processus possible d’emparement (la détestable autogestion de toujours la même forme de vie collective), sont dans un rapport conflictuel (là d’accord) mais où chacun « reconnaît l’autre comme nécessaire » ?
2. Est-ce que parier sur l’hypercrise du capital emmenera forcément vers l’emparement des subsistances ? Cela me paraît probable évidemment. Mais automatique… ? Car dans quelle mesure cette crise profonde ne débouche sur aucun dépassement positif et automatique du capitalisme ? Dans quelle mesure l’espace ouvert n’est que celui d’un vaste « processus de barbarisation » qui n’a rien des lendemains qui chantent ? Au travers des politiques néolibérales dégraissant l’Etat social bourgeois et du virage du « capitalisme vert », s’installe déjà et continuera à s'intaller pourquoi pas une administration durable du désastre capitaliste qui évacue de la reproduction humaine sous le capitalisme les « déchets humains » (Zygmunt Baumaun) et autres non-rentables. La question de la survie hors des médiations capitalistes se pose certes, plus encore dans la crise du capital. J’ai lu comme sa très intéressante (en effet) brochure sur les piqueteros, la note de lecture de Bruno Astarian « Les bidonvilles forment-ils une planète à part ? » sur le célèbre livre de Mike Davis (« Le pire des mondes possible » sur les bidonvilles). Je suis d’accord sur les critiques de ce livre qui sont faites (exagération de la « pure exclusion » hors du rapport capitaliste, etc.). L’analyse de Davis est viciée par toute une idéologie programmatiste (on pourrait presque dire « marxiste traditionnelle » dans le langage de Postone). Cependant est-ce que l’on ne peut pas théoriser les rapports sociaux capitalistes en crise, comme aussi des rapports sociaux « barbarisés », au moins quand ils restent sans dépassement ? Bien sûr il y a des choses très intéressantes en termes d’auto-organisation, mais il peut y avoir aussi le reste (bandes armées qui rackettent des communautés de bidonvilles, trafic de drogue, de prostitution, d’organes, violence entre pauvres, logiques religieuses, pentecôtisme, milices privées bourgeoises, gated communities, logiques quasi féodales de clientèle envers des ONG et les collectivités locales, etc.). Les stratégies de survie ont un spectre très large, plus large évidemment que l’accaparemment direct des ressources et subsistances afin de former une communauté communisatrice. On le sait, la forme moderne de racisme, la forme moderne de la domination masculine, la forme moderne de l’antisémitisme, la forme moderne de la subjectivité démagogique, etc., sont informées au sein de la dynamique totalitaire et coercitive du rapport social capitaliste en crise. Et cela peut aussi avoir tendance à s’exacerber. Ces rapports sociaux capitalistes barbarisés (pléonasme certes), ce sont là une « contrainte à l’éxpérimentation » (Astarian) pour un « processus révolutionnaire de production du communisme [qui] se déroulera dans, et surtout contre, la crise généralisée du capital » (B.L.).
3. Sur le passage sur « l’impossibilité de l’égalité des femmes et des hommes dans une sphère publique devenue totalitaire en absorbant la sphère privée. Cette impossibilité existe parce que précisément cette sphère publique reste publique, c’est-à-dire économie et politique. La reproduction des individus restés prolétaires ne peut pas se réaliser ne peut se réaliser dans cette sphère soi-disant unique. La reproduction du prolétaire face au capital présuppose l’assignation des femmes à l’enfantement et donc l’appropriation de toutes les femmes par tous les hommes en général et en particulier », mériterait peut-être d’être davantage développé.
4. Sur la formule « l’abolition de l’Etat, c’est la ‘‘ privatisation ” de la sphère publique », tempérée immédiatement par la phrase « au sens propre, la sphère publique n’est pas ‘‘ privatisée ” bien sûr »… il me semble en effet que le côté obscur du capital, c’est-à-dire le côté dissocié en une sphère féminine (pas seulement privée je pense, mais côté obscur qui comprend la constitution de cette sphère privée), ne peut pas servir de levier ontologique pour dépasser les deux sphères masculine et féminine. L’essentialisme du féminisme traditionnel exaltant une essence « féminine », projette en fait sur une « nature humaine féminine » ce qui est historiquement spécifique à la constitution des genres sous le capitalisme. Pour contrer l’essentialisme féministe traditionnel, il suffit de rappeler comme le fait Guillaume Carnino dans son livre contre le sexisme, le récit de Margareth Mead sur le peuple des Chambulis qui s’organise au sein d’une société où bon nombre des caractéristiques féminines et masculines sont inversées par rapport aux nôtres (ce qui est assez drôle !). La remarque de B.L. sur la brochure de Bruno Astarian sur la frange radicale du mouvement des piqueteros argentins et les organisations de femmes, me semble juste et prometteuse d'une réflexion approfondie sur cette question. Tout comme cette formule disant que « les organisations de femmes seront centrales en ce qu’elles seront exactement, en elles-mêmes, cette unité [des activités productives, de luttes et de reproduction, l'unité non-échangiste et non-politique des prolétaires] ».
Palim Psao.