Le capitalisme a échoué ! Mais qu'elle sera l'issue ?
De ce système on ne sortira que consciemment
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Groupe Critica Radical
(Fortaleza, Brésil)
Le monde est sous la menace d’un effondrement - l'effondrement du capitalisme. La cause de l’échec du système fut saisie et sa crise annoncée par la critique radicale.
Aujourd'hui, une théorie critique radicale renouvelée réclame un cadre favorable à la pensée et à l'action émancipatrices. Pour penser, pour débattre et pour faire face à cet enjeu, vous êtes tous invité(e)s à participer à un Forum Transnational. Un Forum qui s’attaque de front au fondement logique de ce système, au mouvement historique de son développement et à ce qui est sa limite indépassable, comme le manifeste la crise mondiale actuelle - un Forum Transnational contre le fétichisme. Un forum fondé sur la révolution théorique que constitue la critique radicale de la dissociation-valeur. Un forum qui pourra déclencher le processus de construction d'un mouvement social pour l'émancipation, pour dépasser le système de la production de marchandises et qui pourra inaugurer de nouveaux rapports sociaux. Un forum qui pourra rendre possible la rencontre de l'impensable et de l'impossible, pour aller au-delà d’une histoire qui, jusqu’à aujourd’hui, n’est qu’une histoire de rapports de fétichisme. Un forum dont le but sera la conquête d’une société d'émancipation humaine.
Cependant, il y a sur le chemin de ce projet d'émancipation un obstacle presque indépassable : l'abstraction réelle [1] de la dissociation-valeur [2]. Celle-ci constitue la matrice a priori sous laquelle l'être humain soumis " ne sait pas ce qu’il fait, mais le fait ". Presque indépassable, parce que la forme sociale de l'abstraction réelle de la valeur est commune à toutes les classes sociales et qu’elle est la cause du conflit de leurs intérêts. Cette forme est fétichiste parce qu'elle se constitue en tant qu’une structure sans sujet dans les dos des êtres humains. Dans cette structure, les gens sont soumis à l'éternel processus automate de la transformation en argent de l'énergie humaine abstraite. Presque indépassable parce que la forme sociale de l'abstraction réelle de la valeur est la conséquence de sa détermination par la dissociation, sexuellement déterminée, de l’activité humaine. Cette dissociation apparaît dans toutes les sphères de la société – social-material, socio-psychique et culturel-symbolique. Elle n'est pas directement liée à la valorisation de la valeur, mais elle surgit en tant qu'aspect essentiel global, au fondement même de la matrice sociale. Cette irrationalité du système social s’est maintenue à travers l’histoire, et elle s’est transformée en une menace pour l'humanité et pour la nature. Pourquoi ? Parce que la dissociation-valeur, qui succéda à d'autres rapports sociaux fétichistes, et qui constitue le fondement de la société capitaliste, atteint aujourd’hui sa limite. En effet, avec la troisième révolution industrielle de la microélectronique [3], le capitalisme, pour la première fois, a rendu obsolète le travail. Et en rendant obsolète le travail, il a rendu obsolète sa société et, ainsi, tous ses fondements.
Ainsi, on peut d’ores et déjà proclamer ce rêve d'en finir avec ce masochisme historique qu’a constitué le travail. À l'époque de l'implantation et de l'expansion de la société du travail, cette abstraction réelle de la valeur-dissociation installa une dynamique de valorisation de l'argent sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Avec une dissociation des hommes et des femmes. Elle mit en place une inversion de la réalité qui montrait l’apparence des choses en cachant leur essence. Elle fit du conflit entre l'économie et la politique une des sources principales des guerres, luttes et antagonismes idéologiques dans la modernité. Elle créa une situation où les oppositions politiques n’étaient que des candidats à la gestion des crises passagères et cycliques du système. Elle donna naissance à une gauche qui, parce qu’elle était fondée sur la lutte de classes, n’a fait, après la révolution, que mettre en œuvre la modernisation de cette société de l'horreur. Une société qui, en conséquence du fétichisme de cette abstraction réelle de la dissociation-valeur, n'a pas conscience d’elle-même, qui ne décide pas librement, qui n'utilise pas ses potentialités, qui n'arrive pas à organiser directement les formes de la socialisation. Une société qui à travers la politique, l'État, le marché, l'argent, la marchandise, le travail, l'économie, le droit, etc., subit le fétichisme. Un fétichisme qui se représente dans le travail et s'exprime dans l'argent. Un fétichisme qui exerce son pouvoir sur tous les membres de la société. Un fétichisme qui fait des rapports entre les personnes des rapports entre des marchandises et des marchandises. Une société qui chante les marchandises et leurs passions et qui prétend que cette abstraction réelle est une évidence, une toile de fond tacite, une loi naturelle, ontologique et éternelle de l'existence humaine qu'il ne faut pas mettre en question. Aujourd'hui cette abstraction réelle de la dissociation-valeur s’est installée à tous les niveaux de la société. Elle en a imprégné tous les aspects. Elle s'est emparée de la pensée, du corps et de l'âme de l'être humain. Elle a tout transformé en marchandise. Elle vit de l'inconscience humaine et l'enveloppe dans un irrationalisme de croyances. Elle règne à travers la servitude volontaire. Elle aiguise la mutilation de l'humanité. Elle rend mesquine la créativité et répand la schizophrénie. Elle accroît le patriarcat, le machisme, le racisme, le préjugé, la discrimination, l'antisémitisme. Elle reproduit le nationalisme, la xénophobie, l'homophobie, le fondamentalisme, le terrorisme. Elle nourrit les viols, le tourisme sexuel, la censure, la torture, l'exploitation. Elle répand le chômage, l'exclusion, la persécution, l'oppression, la mort. Elle stimule les guerres et propage la violence. Elle détruit la nature. Elle installe la barbarie.
Maintenant, le pouvoir en place comme l'opposition politique se présentent comme les gérants de la crise de la limite historique du système producteur de marchandises. De ce fait, elles transforment leur gestion en actes de barbarie. En fin de compte, quand le capitalisme parvient à sa limite historique, le résultat est l'assassinat de humanité et de la planète. Imaginer le dépassement de cet assassinat, cela veut dire réfléchir au dépassement, non seulement de notre époque, mais de toute l'histoire des rapports fétichistes en général. Le fétichisme nous accompagne depuis le seuil de l'humanité. Pour cette raison, notre histoire est l'histoire des rapports fétichistes. Ce n’est pas propre à l'histoire contemporaine. Même si les rapports sociaux dans l'histoire des sociétés qui ont vu les jour jusqu'ici ont été différents, une conclusion s'impose : elles ont toutes été dirigées dans des structures fétichistes. L'humanité n'a jamais connu de sociétés qui soient conscientes d’elles-mêmes, qui décident librement de l'emploi de leurs possibilités. Quant au système moderne de production de marchandises, il représente à lui seul la dernière forme sociale de la dynamique aveugle du fétichisme. Le monde capitaliste apparaît dorénavant comme une étape passagère dans l'histoire de l'humanité. Et les mondes fondés sur la consanguinité, le totémisme, la propriété du sol, et la valeur sont compris comme des étapes plus longues du processus par lequel l'homme s'est détaché de la nature. Mais si l’homme est devenu un être relativement conscient de la première nature, il ne l’est pas encore de la deuxième nature, qui est sa propre connexion sociale, créée par lui-même. Ainsi, la réponse à la véritable dimension de la crise mondiale du XXIème siècle voit le jour. Il ne s'agit pas que de l'histoire capitaliste, mais de l'histoire existante jusqu'ici. Il n’y a pas que la Guerre Froide qui a atteint son terme. L'histoire mondiale de la modernisation a, elle aussi, pris fin. Ce n'est pas seulement cette histoire spécifiquement moderne, mais l'histoire mondiale des rapports fétichistes en général. Maintenant, le système moderne de production de marchandise a atteint sa limite historique et expose au grand jour son échec. Un effondrement historique du système avec tous ses rapports sociaux, qui se manifeste comme effondrement financier, effondrement écologique, effondrement de la société de travail, effondrement de la politique et de l'État national, effondrement des rapports entre les sexes, effondrement général...
Est-il possible de dépasser cette abstraction réelle de la dissociation-valeur ? Est-il possible d’aller au-delà du système producteur de marchandises ? Est-il possible de construire une société libérée du fétichisme, la société de l'émancipation humaine? Cette possibilité est étroitement liée à la découverte des catégories essentielles de la formation historique des sociétés capitaliste et socialiste, y compris la dissociation sexuelle. Mais ce qui a été longtemps une énigme doit encore être élucidé, et aussi critiqué. C’est pour cette raison qu’il n'est d'émancipation que consciente. Alors que la crise et l'effondrement, tout au contraire, ont lieu dans un processus de développement objectivé largement inconscient. Certes, les êtres humains auraient pu s'émanciper sans que le capitalisme commence à s’effondrer. Mais aujourd'hui, le capitalisme s'effondre et les êtres humains ne se sont pas encore émancipés. En résulte le fait qu'on marche vers l'auto-anéantissement de l'humanité ou la barbarie. C’est cette situation qui se dresse devant nos yeux. Jusqu'à maintenant il n´y avait pas eu de convocation transnationale avec le projet de dépasser cette catastrophe. Mais faire face et répondre à ces enjeux est aujourd’hui devenu incontournable. Et la convocation à cette gigantesque tâche historique n'a toujours pas fait l’objet d’un appel transnational à la hauteur de ce défi. Il est urgent maintenant de construire ce cadre favorable à la pensée et à l'action émancipatrices. Voilà le but du Forum Transnational contre le Fétichisme. L'idée de sa réalisation a été présentée dans un débat sur la crise actuelle lors du Forum Social Mondial 2009, à Belém-Pará-Brésil. Et elle a pu compter sur l'adhésion d'un nombre remarquable de gens qui participaient à la discussion sur le dépassement de la crise. On y a discuté de l'urgence de dépasser la paralysie de la pensée moderne et post-moderne, et de construire un nouveau mouvement de transformation de toute la société, un mouvement capable de sortir de l'immanence et surmonter le système producteur de marchandise.
Tous les participants ont décidé, sur la base de ce constat, d’organiser et de réaliser ce Forum dans le courant du mois de janvier 2010 à Fortaleza, Ceará-Brésil. Par conséquent, à partir du contact avec d'autres intéressés au Brésil et dans d'autres pays, on vous transmet la convocation transnationale du Forum pour que, ensemble, on puisse aller à la chambre interdite, en défoncer la porte, pénétrer à l’intérieur et en dévoiler les secrets. En fin de compte, quand l'impensable dévoile et l'impossible surmonte non seulement le fondement l'invisible du capitalisme et ses catégories fondamentales, y compris la dissociation sexuelle, mais aussi le sujet et ses aventures, on voit la naissance de la société de l'émancipation humaine.
Bien à vous !
Groupe Critica Radical (Fortaleza, Brésil)
Forum Transnational contre le fétichisme (Brésil), janvier 2010.
Voir le site du groupe Critica Radical.
Voir les pages wikipédia de Krisis, Anselm Jappe, Moishe Postone.
Remarque : Quelques corrections de coquilles et de traduction ont été faites, les notes de bas de page ont été également rajoutées pour donner quelques aperçus sur les concepts utilisés dans ce texte. Palim Psao.
[1] Pour faciliter la lecture de ce texte, je développe rapidement la signification de ce concept. Le concept d'abstraction réelle, veut dire que le processus d'abstraction du travail sous le capitalisme, n'est pas un phénomène d'abstraction idéelle (produit par une quelconque " idéologie de la valeur-travail "), mais il renvoit à un processus de socialisation bien réel, mais qui est ni naturel ni transhistorique, il est historiquement et socialement situé. Les abstractions naissent donc du fonctionnement même du capitalisme (et du socialisme réellement existant). La catégorie d'abstraction réelle a donc été employée par divers auteurs (Robert Kurz, Anselm Jappe, Jean-Marie Vincent...) pour traiter du travail abstrait comme forme sociale objective. Il s'agit écrit Marx, d'une " abstraction qui s'accomplit journellement dans le procès de production sociale ". Ou encore, " ceux qui considèrent l'autonomisation de la valeur comme simple abstraction oublient que le mouvement du capital industriel est cette abstraction en actes " (Das Kapital, Livre 2, chapitre IV, MEW 24, p. 109). Ces abstractions confèrent aux rapports sociaux correspondant à cette économie un caractère naturel. Toutes les philosophies de la conscience ne servent alors en elle-même à rien pour mettre en question réellement ces abstractions très particulières, car les abstractions réelles font obstacle à un imaginaire social qui , seul, n'est pas susceptible de les mettre en question (Note de Palim Psao).
[2] Sur la dissociation, voir notamment le texte de Roswitha Scholz, " Remarques sur les notions de valeur et dissociation-valeur "
[3] La microélectronique désigne les composants électroniques miniaturisés, pour créer de nouveaux produits, mais surtout pour développer de nouveaux procédés touchant l'organisation, la production et la distribution. La microinformatique n'est qu'un élement de ce mouvement de microélectronisation au sein du processus technique de production lui-même subsumé par la forme sociale du capital (Note de Palim Psao).