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Le patriarcat : privilège mâle

ou structure de domination impersonnelle ?

Réflexions sur l’affaire de Mazan

*

Sandrine Aumercier

« À aucun moment du travail analytique on ne souffre davantage de sentir de manière oppressante la vanité d’efforts répétés, de soupçonner que l’on “prêche aux poissons”, que lorsqu’on veut inciter les femmes à abandonner leur désir de pénis comme irréalisable, et lorsqu’on voudrait convaincre les hommes qu’une position passive envers l’homme n’a pas toujours la position d’une castration et qu’elle est indispensable dans de nombreuses relations de l’existence. De la surcompensation arrogante de l’homme découle l’une des plus fortes résistances de transfert. (…) Mais de cela on tire encore un enseignement : la forme sous laquelle la résistance apparaît, que ce soit ou non en tant que transfert, importe peu. Ce qui reste déterminant c’est que la résistance ne laisse se faire aucune modification, que tout reste en l’état. On a souvent l’impression, avec le désir de pénis et la protestation virile, de s’être frayé un passage, à travers toute la stratification psychologique, jusqu’au “roc d’origine” et d’en avoir fini avec son travail. (…) Le refus de la féminité ne peut évidemment rien être d’autre qu’un fait biologique, une part de cette grande énigme de la sexualité. »

Sigmund Freud, « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin », dans Résultats, idées, problèmes, II, Paris, PUF, 1985 [1937], p. 267-268.

« La contradiction fondamentale de la socialisation par la valeur entre la substance (le contenu, la nature) et la forme (la valeur abstraite) est déterminée par sa spécificité de genre. Tout ce qui ne se réduit pas à la forme-valeur abstraite mais qui conditionne néanmoins la reproduction sociale, tout ce contenu sensible, est délégué à la femme (la sensibilité, l’émotivité, etc.). (…) Toutefois, la dissociation spécifique entre les genres ne peut pas être directement dérivée de la forme-valeur elle-même. Au lieu de cela, elle est pour ainsi dire l’ombre projetée par la valeur, qui ne peut cependant pas être saisie par le dispositif conceptuel “positif” marxiste. La dissociation de ce qu’on appelle le “féminin”, le contexte de la vie féminine et les domaines d’activité assignés aux femmes (ménage, éducation des enfants, “travail” relationnel, etc.), sont ainsi, d’un côté, des parties constituantes de la socialisation par la valeur et, d’un autre côté, à l’extérieur de celle-ci. (…) Toutefois, et cela doit être expressément souligné, c’est l’examen d’une structure culturelle qui m’importe. L’accent est donc moins mis sur les hommes et les femmes empiriques, bien que les relations empiriques entre eux soient bien sûr conditionnées par cette structure, sans s’y réduire complètement. »

Roswitha Scholz, « La valeur, c’est le mâle », dans Le Sexe du capitalisme, Albi, Crise & Critique, 2019 [1993], p. 25-27.


De quel patriarcat parle-t-on ?

Autour du procès très médiatisé de Mazan, on parle du « procès de Monsieur Tout-le-monde » et du « procès du patriarcat ». Alors qui est Monsieur Tout-le-monde ? Certes, ce nombre invraisemblable de 51 hommes accusés — bien davantage en réalité puisqu’une partie n’a pas été identifiée — donne le tournis. Il semble de prime abord confirmer le partage du monde entre la victime féminine et une culture du viol masculin, anonyme, sériel, banal.

Mais peut-on réduire le patriarcat à ces deux moitiés biologiques dans lesquelles nous croyons voir deux catégories complémentaires dont l’une domine l’autre, de sorte que lorsqu’on croise une femme, ce serait toujours une victime potentielle et lorsqu’on croise un homme, ce serait un violeur potentiel, toujours un dominant, au moins un dominant en sommeil, et forcément un détenteur du privilège mâle ? Cette double assignation biologique n’est-elle pas justement le cache-sexe du patriarcat ?

La discussion de savoir si le patriarcat est représenté par « tous les hommes », all men ou not all men, peut nous entraîner dans une impasse. La fabrique du monstre occulte aussi la structure qui a permis ça. Gisèle Pelicot, dont la presse ne cesse de vanter la dignité, mérite que son cas nous éclaire sur quelque chose dont la civilisation actuelle ne veut rien savoir. Son sang-froid, qui force le respect, n’est manifestement pas celui de quelqu’un qui veut se venger contre « les hommes » mais de quelqu’un qui voudrait comprendre. Comprendre quoi ?

Cette affaire matérialise une scène obsédante, celle d’un corps féminin anesthésié, désarmé, pur réceptacle de violence et de complicité masculines. Un état de passivité sur lequel s’excite une sexualité reconquérant provisoirement son « rôle actif » par la transformation du corps féminin en surface morte, qui ne résiste à rien. Et compulsivement filmée dans cet état. La caméra ajoute ici aux actes une couche supplémentaire de passivation et d’objectification. Il n’est donc pas étonnant que le visionnage des vidéos ait cristallisé un débat au tribunal d’Avignon : jusqu’à quel point « consent-on » à s’impliquer dans la structure perverse qui se dévoile à cet endroit et qui n’interpelle peut-être pas seulement son spectateur en raison de sa violence interne mais aussi pour ce qu’elle dit sur nous tous ?

La perversion constitue une formation triangulaire. Le triangle pervers s’est ici formé du dominant d’un soir « offrant » comme une marchandise à une jouissance masculine complice un corps féminin à la limite du coma. Ce triangle laisse entrevoir les abîmes du « pouvoir masculin » émasculé de la crise, engagé dans une forme de guerre totale contre ce qui se refuse à lui, ce qui lui résiste, son autre. Les accusés sont l’échantillon presque parfait d’une société en voie de précarisation générale de toutes les bases imaginaires et réelles du patriarcat. Dominique Pelicot finira, pour sa part, par énoncer son fantasme de « soumettre une femme insoumise ». Il n’est pas interdit de penser que plus les femmes conquièrent, en apparence, des droits égaux, plus la riposte masculine est barbare.

Car si l’on entend par égalité la parité statistique entre les hommes et les femmes, elle peut certainement être implémentée et même encore améliorée. Mais si l’on entend par égalité le respect de tout ce qui n’est pas économiquement valorisable mais indispensable à la reproduction de la société et représenté par le « féminin », cette égalité est structurellement impossible en l’état actuel des choses. Le discours sur l’égalité des genres se condamne ainsi à pratiquer une égalité potiche entre les hommes et les femmes, non sans écorcher dans le même mouvement la domination masculine dans un rôle également potiche dont s’effrite la base sociale. Cette situation offre le terreau d’une redoutable surenchère masculiniste. Si Freud attribuait la « protestation virile » uniquement au rapport de l’homme avec un autre homme, il parlait du point de vue d’une époque où la femme était encore largement assignée à la sphère domestique. L’homme pouvait donc adopter sans risque à son contact, dans les rapports intersubjectifs, ce que Freud appelait un « comportement masochiste ». Mais ses observations empiriques étaient tributaires de ses propres biais historiques. Les choses ont changé depuis ; les femmes sont de plus en plus les rivales des hommes dans l’arène de la concurrence patriarcale pendant que la base sociologique du patriarcat ne cesse de se fragiliser. Par conséquent, les femmes sont devenues l’un des objets potentiels de la « protestation virile ».

L’affaire de Mazan ouvre aussi un coin sur les abîmes de misère sexuelle que cache la libération partout affirmée. Le spectacle de la jouissance sans entraves dissimule son fond de perdants, d’individus profondément seuls et frustrés sur le marché du sexe (les incels n’en sont que le haut de l’iceberg), violeurs d’aubaine prêts à saisir la première opportunité qui se présente, pourvu que l’orchestration d’un tiers leur retire toute responsabilité de leur acte. L’interface électronique en constitue la première étape, les manipulations d’un Pelicot la seconde. Gisèle Pelicot aura même reçu à son insu des visiteurs homosexuels. Elle aura été « offerte » contre des heures de jardinage à un homme qui refusera finalement de s’y rendre. Ironie du commerce capitaliste de l’amour romantique, elle aura été droguée le soir de la Saint-Valentin avec celui que Pelicot appelle son « meilleur complice ». La recette de l’endormissement circulera entre certains hommes comme celle d’un plat de cuisine. Il n’y a pas de limites, semble-t-il, aux configurations du contrat pervers passé aux dépens de Gisèle Pelicot et des autres victimes potentielles.

Elle est aussi une mère et une grand-mère dont les agresseurs sont en moyenne âgés de 25 ans de moins qu’elle (ce chiffre est facile à calculer). On aurait envie de demander à ces hommes dont l’un d’eux avait projeté d’endormir et de violer sa propre mère : que leur a donc fait leur mère ? La question s’est posée plusieurs fois durant le procès. Mais la référence au fantasme porno de la MILF (« Mother I’d like to fuck ») personnalise et privatise une nouvelle fois la structure patriarcale comme si ce n’était, justement, qu’une affaire de fixation individuelle. Or, des invectives dirigées contre la mère de l’adversaire (attestées dès l’époque de Périclès) aux joutes adolescentes modernes, la mère est toujours à la fois sacrée et infâmée dans l’imaginaire masculin. Freud avait relevé ce clivage bien connu entre « la maman et la putain » dans la vie sexuelle masculine. Il touche au paroxysme dans le capitalisme. C’est pourquoi le bon père de famille y cohabite si bien avec le pervers abject. Dominique Pelicot aura justement réussi à réunir les deux figures en une seule — « super mec » (ainsi le nomma-t-elle) virant au maquereau et violeur compulsif pour transformer à son insu sa « sainte » d’épouse (ainsi la nommait-il) en pute gratuite.

Enfin les différents témoignages au procès de Mazan peuvent ouvrir une autre piste d’interrogation : que signifie pour tous ces accusés la masculinité rencontrée au cours de leur vie ? De ce point de vue, le nombre d’entre eux, y compris l’accusé principal, alléguant avoir subi des violences sexuelles dans leur enfance — que les faits soient avérés ou non — ouvre une spirale vertigineuse sur une violence masculine qui n’est pas portée seulement contre le groupe sociologique des « femmes ». Si Freud a inventé la psychanalyse en recueillant les récits de séduction infantile des femmes hystériques, réels ou fantasmés, il est temps d’y inclure les hommes comme autant de victimes collatérales du même patriarcat.

L’indignation universelle contre les violeurs et ceux qui acceptent de défendre leur affaire — qui doivent même se protéger de la vindicte populaire dans le déroulement du procès d’Avignon — masque ainsi l’impuissance à modifier la structure découverte à cet endroit, que chacun pressent aux tréfonds de lui-même. Peut-être sortira-t-il de ce procès une définition juridique plus précise du viol et du consentement, mais il n’en sortira pas le renversement du patriarcat.

Tous ces hommes qui reconnaissent « les actes mais pas l’intention » exploitent, semble-t-il, une faille juridique française, pour laquelle il n’y a viol que s’il y a intention de viol. Bien que cette défense suscite le ricanement, elle pourrait aussi être prise au mot du point de vue d’une théorie critique de la société, qui, comme la psychanalyse, ne s’intéresse pas aux intentions des gens mais justement à ce que disent leurs actes. Pour la psychanalyse, il peut y avoir viol avec ou sans intention et avec ou sans consentement. L’intention et le consentement sont intrinsèquement équivoques. On comprend bien que le droit, lui, a besoin de définitions claires. Mais étant toujours à la hauteur de son temps, ne le transcendant jamais, il renforce les occultations collectives même lorsqu’il se présente comme une avancée sociétale.

Consentir au viol ?

On n’aura pas manqué de voir ressurgir dans ce procès le schéma qu’on croyait révolu d’un consentement obtenu par l’entremise du pater familias : « Le consentement, je l’ai pris de son mari. » Le reste de la défense a surtout contribué à imputer à Gisèle Pelicot une suspicion de participation.

Il est toutefois inouï que la question du consentement martelée tout au long du procès semble résumer ce que la société actuelle a à dire pour juger de tels actes. Que signifie le scandale du non-consentement ? Si Madame Pelicot avait formellement autorisé son mari à inviter des hommes à commettre des actes sexuels sur son corps inerte, tout ceci n’aurait donc plus rien à voir avec une affaire de viol ? Ce serait alors un banal scénario SM conclu entre parties consentantes ? C’est ce que semble dire l’insistance sur l’absence de consentement comme motif d’accusation. Lorsque le président Roger Arata demande : « Est-ce que, selon vous, Gisèle Pelicot était en mesure de donner son consentement ? », nous pouvons demander en retour : « Et si Gisèle Pelicot avait donné son consentement à être droguée et violée, serait-elle encore en état de consentir aux actes sexuels une fois droguée avec son consentement ? » Où commence et où s’arrête le consentement « libre et éclairé » ?

Derrière le thème du consentement se découvre que le patriarcat n’est pas (seulement) un rapport intersubjectif entre une victime et un auteur de crime sexuel : c’est une structure qui englobe toutes les positions subjectives, à laquelle le consentement viendrait donner un vernis d’émancipation qui pourrait tranquilliser tout le monde. Dans sa version perverse, cette structure vise, provoque, dénonce ou cultive l’adhésion avouable ou inavouable du sujet. Elle peut se contenter d’un consentement par négligence. Je repense à cette jeune femme habituée à prendre des drogues et menant une vie sexuelle qu’elle-même considérait comme libre, qui racontait que, assoupie dans un festival sous l’effet d’une substance, elle fut réveillée par un inconnu en train de la baiser et prit simplement son mal en patience : « J’ai pensé que ça finirait bien par s’arrêter ! », m’expliqua-t-elle sans parler de viol. Elle m’expliqua aussi – en contraste avec le slogan féministe du « mon corps m’appartient ! » — que son corps n’avait pas d’importance pour elle, qu’elle pouvait le livrer sans que ne se pose la question de son désir. On peut considérer qu’elle avait « consenti » à ce viol par la position qu’elle prenait envers son propre corps, ce qui n’empêchait pas que cela soit un viol. Ce cas est loin d’être rare. Il est attesté cliniquement que des personnes se retrouvent dans des situations troubles dont elles découvrent, après coup, qu’elles n’en voulaient pas, tout en s’étant mises elles-mêmes dans un état où le consentement n’a plus rien de « libre et éclairé ».

La vulnérabilité chimique — à l’ombre du thème montant de la soumission chimique — touche en effet le fond opaque du culte de la performance et de l’optimisation sexuelles : car il finit toujours aussi par toucher une zone qui s’y dérobe. Un consentement accordé en état de vigilance est-il encore valable en état de non-vigilance ? Peut-on consentir ou refuser quelque chose lorsqu’on est sous l’emprise d’une substance ? Ou bien faut-il interdire tous les rapports sexuels réalisés dans ces conditions ? Faut-il incriminer le chemsex qui est consommé pour provoquer la désinhibition sexuelle et donc modifier chimiquement les coordonnées du « consentement » ? Un simple verre d’alcool ne peut-il pas modifier le discernement ? À quel niveau de répression faudrait-il céder s’il fallait interdire ces pratiques banales !

Ce qu’il faut plutôt relever, c’est que les sexualités contemporaines se distinguent par un fond de « désublimation répressive » (Herbert Marcuse), de forçage du corps propre pour aller au bout d’une expérience où le oui et le non finissent par se confondre. Ne pas le dire, c’est aussi se faire le complice de la culture du viol. Cette culture puise dans une injonction sociale de transgresser toutes les limites, qui est constitutive de la subjectivité moderne. 

C’est sur cette réalité que le procès de Mazan refuse d’ouvrir le voile en insistant si lourdement, si obstinément, sur un « consentement » de Gisèle Pelicot qui n’aurait pas été demandé, comme s’il s’agissait seulement qu’elle ait donné son autorisation pour qu’on soit épargnés d’un questionnement aussi pénible. En sous-texte, on ne demande rien d’autre à l’épouse Pelicot que sa participation perverse à un « jeu libertin », pour que cette affaire cesse d’en être une… C’est pourquoi, malgré son long calvaire médical, elle a pu en être suspectée par la défense ainsi que par ceux qui trouvent cette histoire trop invraisemblable pour être vraie.

Le patriarcat moderne demande, au titre de la libération sexuelle, des participants consentants au scénario pervers. Mais cette « libération » n’est pas le joyeux bordel dont on pourrait rêver dans un monde ludique et innocent ; c’est aussi la promotion d’un monde sadien où la violence est justifiée comme une prétendue expression de la nature des pulsions. Le recueil du consentement se présente alors comme la dernière barrière civilisée devant l’horreur. Pourvu qu’il y ait consentement, alors tout est permis. Ce qui réunit la défense et l’accusation des viols de Mazan, c’est la référence — positive ou négative — à un consentement qui ne pose pas la question de la nature du scénario pervers et du succès qu’il a rencontré auprès de ces dizaines d’hommes. La pornographie, la publicité, les réseaux sociaux, la mobilisation incessante des subjectivités et le fonctionnement normal du capitalisme transgressent en permanence les limites dont le consentement individuel est supposé donenr la mesure. La stimulation et la surenchère sont omniprésentes dans tous les domaines.

La structure d’enrôlement dans le scénario pervers doit donc recevoir une interprétation adéquate liée à son contexte historique. Il ne s’agit pas uniquement de pulsions individuelles non maîtrisées parce que la nature humaine ou la sexualité masculine seraient décidément incorrigibles. Nous avons à faire aux conséquences d’une incitation sociale continuelle à les « libérer ».

Tous les membres de la société capitaliste sont enrôlés dans une seule et même fin en soi : participer à l’effort collectif de nourrir l’accumulation du capital. Ce seul impératif justifie de lever toutes les anciennes barrières sociales, morales, religieuses, symboliques, puis de les réinventer sous la forme d’une casuistique subjectiviste dans laquelle Foucault a décelé le nouveau « dispositif de sexualité ». L’obsession de situer l’intention et le consentement émerge de l’impératif productiviste et consumériste de transgresser toutes les limites. De la course aux armements à la dévoration du monde, cet impératif couvre le champ de toutes les activités qui participent directement ou indirectement à la création et à la réalisation de la valeur. L’intention et le consentement deviennent alors les derniers refuges normatifs d’une société qui fait sauter tous les anciens tabous. Plus se déchaîne l’impératif social de transgression, plus l’individu est sommé de trouver la limite dans son intimité. Une limite qui ne peut être que labile et paradoxale, puisque cette intimité est justement façonnée d’après l’impératif de transgresser.

La logique de la valeur-dissociation

Selon le théorème de la valeur-dissociation développé par Roswitha Scholz, la « sphère féminine » est cette partie dissociée de la reproduction capitaliste nécessaire au capital, mais dépourvue de valeur économique. Que valent économiquement le soin, la disponibilité, la tendresse, la maternité ? Ces supposées dispositions féminines produisent tout au plus des petits mecs confirmés, en quoi « les femmes » ne sont pas innocentes du patriarcat. Mais économiquement, tout ceci ne produit pas de valeur. Et ce, même si cette contribution est indispensable au maintien du système.

Chaque genre reçoit dans ce contexte une certaine définition de son être social et l’assignation aux rôles et attitudes afférentes. Tout va bien aussi longtemps qu’on y « consent ». On ne consent plus ? Le cas est également prévu. Les rôles peuvent tout à fait être échangés, pourvu que la structure demeure. C’est pourquoi on n’abolit pas cette dichotomie sexuelle en promouvant, par exemple, un genre fluide, un corps trans ou une police du langage. La structure patriarcale tolère ces évolutions. Les politiques du genre et leurs militants doivent bien le sentir, acculés qu’ils sont à une surenchère impuissante.

Lorsque les activités dites féminines commencent à être professionnalisées parce que le genre féminin « ne consent plus » à son ancien rôle, ces activités, toujours aussi nécessaires, restent sous-payées et sous-reconnues, voire elles représentent un coût insupportable pour la collectivité — le premier qui est rogné en situation de crise. Il n’est que de voir l’état actuel des structures hospitalières, scolaires, culturelles : vestiges de l’État-providence qui ne cessent de se réduire comme peau de chagrin. Le patriarcat capitaliste, c’est à la fois l’évidence de la disponibilité « féminine » et le mépris associé à cette évidence, parce que des activités qui ne font pas multiplier le capital sont sans valeur pour le capital. Au contraire, elles vont ponctuer dans l’État social la masse de valeur générée par le travail productif, qui ne cesse de fondre au cours de la crise structurelle du capitalisme.

Dans la société patriarcale moderne, le genre masculin a endossé les rôles de chef de famille, de détenteur des pouvoirs économiques et politiques, de défenseur de la patrie, de créateur de valeur. Or l’évolution historique démontre que ces rôles peuvent être occupés par une femme sans rien changer à la structure qui les sous-tend. Le genre féminin a historiquement été assigné, en négatif, à la sphère domestique, celle du soin, de la maternité, de la disponibilité, de la reproduction. Or le capitalisme tardif démontre que ces rôles peuvent tout à fait être remplis par un homme sans rien changer à leur structure. De tels « hommes au foyer » subiront à leur tour le mépris amusé et l’invisibilisation qu’on a pour les gens et les activités qui sont improductifs sur le marché capitaliste. Si on donne un biberon aux hommes et un fusil aux femmes, cela ne change rien à la dissociation sexuelle. Elle change simplement de pôles.

Le patriarcat producteur de marchandises façonne ainsi toutes les personnes et toutes les activités :

1/ Les femmes qui s’identifient au « féminin » sont souvent les premières victimes de violences sexuelles et sexistes, mais pas les seules. Tout ce qui nous rappelle la définition patriarcale du féminin, à savoir la vulnérabilité, la faiblesse et la passivité, en est également victime : tels les malades, les vieux, les marginaux, les chômeurs, les improductifs. Les victimes peuvent aussi tirer des bénéfices secondaires de leur position. Il n’est pas toujours désagréable de rejouer encore une fois pour son compte le rôle crasseux de la femme fatale, de la muse, de l’assistante inconditionnelle ou de la mère courage. Qu’elles soient adulées ou méprisées, ces femmes sont obligées d’entrer dans une grille de catégorisation d’où leur position est forcément au service du masculin.

2/ Les femmes qui ne s’identifient pas au « féminin » peuvent désormais entrer de plain-pied dans l’arène masculine. Ce furent les garçonnes des années 20 promues par le rôle qu’elles avaient pris quand les hommes étaient au front, ce sont maintenant les entreprenantes, les battantes, les indépendantes, « les femmes phalliques », les « dames de fer » en tous genres. Elles doivent en toutes choses livrer un surcroît de preuves et d’efforts pour obtenir la même position qu’un homme. Et encore seront-elles regardées comme une femme qui s’en sort bien. Ainsi, il ne manque pas d’articles pour vanter les Ursula von der Leyen et les Christine Lagarde comme des « femmes fortes ». Au sommet du pouvoir, elles savent en effet déployer des trésors de qualités viriles. Mais on n’a jamais dit d’un homme politique que c’est un « homme fort », car un tel épithète serait superfétatoire, sauf à viser le ridicule. Quelque chose rebute toute la psyché moderne à prendre les femmes au sérieux. Même la violence exercée par des femmes s’en trouve négligée, comme si les femmes ne pouvaient ontologiquement être que des victimes.

3/ Les hommes identifiés au patriarcat sont ceux parmi lesquels est commise la majorité des violences sexuelles et sexistes ; mais on oublie que le patriarcat les contraint du matin au soir à tenir leur rang : pas un fléchissement, pas une émotion, pas un doute, pas une erreur. Ce sont eux qu’on envoie tuer et se tuer par centaines de milliers au champ de bataille, pour la patrie. Les hommes identifiés à la masculinité sont ceux qui, sous peine d’échouer à maintenir leur rang masculin par un déploiement constant de violence masculine et de concurrence, déchoient socialement en dessous même du statut accordé au féminin. Ils n’ont pas le droit de déserter, comme on le voit aujourd’hui en Ukraine, en Russie, au Proche-Orient. Auteurs et victimes de toutes ces violences, ils sont aussi ceux qui ont tout à perdre.

4/ Les hommes qui ne s’identifient pas au patriarcat, le genre auquel les confine l’organisation patriarcale du monde, ceux-là en sont assurément les grands déchus. Transfuges de sexe, hommes qui pleurent, papas au foyer, déserteurs, ratés, faibles, timides, soumis, impuissants, fauchés, homosexuels : ceux-là sont aussi des victimes du patriarcat. Ils en subissent constamment la structure de discrimination au même titre que le féminin. Mais alors que le féminin a au moins le bénéfice de la norme, ils ne bénéficient, eux, d’aucune complaisance.

La protestation virile

Ce système ne laisse donc personne en dehors de ses filets ; il enrôle tous les genres, toutes les positions psychiques et tous les rôles sociaux. On peut déclarer qu’il y a 5 sexes ou qu’il y a 68 genres pour échapper à un binarisme honni, cela n’y change rien. La structure psychique se distribue en une position passive et une position active qui touche les deux sexes, ainsi que Freud l’avait découvert, pour qui il n’existait pas de féminin et de masculin dans l’inconscient, mais un continuum de positions allant du passif (connoté féminin) à l’actif (connoté masculin). Le patriarcat ne définit pas des personnes biologiques mais des positions au sein du patriarcat. Il n’y a pas lieu de comprendre ces identifications comme des identités. Les personnes réelles peuvent parfaitement occuper plusieurs de ces positions, passer de l’une à l’autre, changer de masque.

Le patriarcat, donc, nécessite une sphère « féminine » comme son propre envers dissocié. Sur la base de cette dissociation, il produit dans l’arène économique un gagnant et un perdant connotés de manière virile. La gauche est habituée à accuser les gagnants et les patrons des méfaits du système. Mais les perdants sont impliqués dans les mêmes règles du jeu, où ils ne sont pas toujours les innocents qu’on dit. Les tueurs honorables mobilisés pour le salut de la nation et les violeurs minables, les grands pervers et les petits obsédés, ceux qui n’ont à leur actif que des fantasmes de violence sans passage à l’acte, les femmes empressées de se trouver un protecteur comme celles qui appliquent d’une main de fer le pouvoir patriarcal lorsqu’elles l’ont conquis, les petits et les grands carriéristes, tous et toutes sont situés quelque part dans le cercle patriarcal. Cette culture de la force et de la conquête, de l’érection et de la pénétration, de l’affirmation autocratique du désir, de l’expansion et de la croissance, est consubstantielle à l’économie, qui est de travailler et de conquérir des marchés pour créer de la valeur et rendre toute la société mondiale congruente avec cette seule finalité. L’économie est un immense effort de guerre qui oblige chacun et chacune, en permanence, à être quelqu’un de monnayable et de solvable sur le marché, à être toujours performant, le meilleur de la classe puis le meilleur candidat dans un recrutement, menacé de déchéance dès qu’il ou elle perd des points. La « libération » de la sexualité est un ingrédient de cet impératif de déchainement pulsionnel. L’échec à s’y affirmer est encodé comme une sorte de « féminisation ». Dans l’imaginaire capitaliste, le déclassement social est identique avec une déchéance de la masculinité. Elle se donne à voir dans la réélection d’un Donald Trump, élection impossible sans la contribution de ses électrices…

On a beaucoup accusé Freud de machisme avec sa théorie du « désir de pénis ». Mais que peut vouloir une femme d’autre qu’un pénis — c’est-à-dire un phallus — dans une société ou c’est précisément la seule chose qui vaut ? Freud a précisément identifié à cet endroit une limite insurmontable, selon lui, de la cure analytique, qu’il appelle le « roc de la castration ». Des générations de féministes trop empressées à dégotter chez tous les hommes, y compris Freud, le machiste caché, ont oublié que le constat de Freud ne vise en aucun cas seulement les femmes. Freud ne nous dit pas que les femmes sont inférieures du fait d’une absence de pénis compensée par leur « envie du pénis » : car cette description clinique a son pendant du côté de ce qu’il constate, chez les hommes, de « protestation virile ». Freud nomme « refus de la féminité » cette limite qu’il constate chez les deux sexes, avec des conséquences psychosexuelles différentes. Le problème est qu’il l’attribue non à la forme des rapports sociaux mais à un énigmatique facteur biologique.  

Une élucidation des rapports patriarcaux permet de redonner au constat freudien toute sa portée en cessant de l’imputer à une réalité biologique. La société patriarcale est celle qui confère au féminin une position si peu enviable qu’il ne peut s’ensuivre rien d’autre qu’une horreur de la castration bien partagée, en quoi les deux sexes se font les porteurs de fonction — quoique dissymétriques — du patriarcat. Les femmes hystériques analysées par Freud ont montré cette structure au grand jour et ont été entendues comme telles.

Concours de victimes

Il se développe aussi au cours de l’histoire du capitalisme, sous l’incidence de ces rapports contraignants, de multiples « bénéfices secondaires » (Sigmund Freud) tirés par les différents porteurs de fonction au service du maintien des conditions existantes. De concours de puissance virile entre les entreprises, les nations et les tenants du pouvoir masculin, le capitalisme se métamorphose parallèlement, sous l’effet de la progression de sa propre crise, en concours de victimes, pourvu que perdure la même promesse et le même esprit de concurrence sous forme inversée. Les anciens mouvements pour les droits civiques, qui étaient aussi des mouvements d’intégration, sont de plus en plus plombés, moins d’une fierté festive qui est encore celle des Marches des Fiertés, que d’une affirmation pleurnicheuse et revancharde du déclassement et des discriminations subies, quand elle n’est pas franchement populiste. Chacun y va de son dol personnel sur le nouveau marché des douleurs. Le « comportement masochiste » que Freud diagnostiquait dans le rapport des hommes avec les femmes est maintenant transposé à l’ensemble de la société, dans le contexte d’une précarisation des bases de l’ancienne affirmation masculine de l’époque montante du capitalisme. La dépossession moderne de ses propres conditions de reproduction sociale est traduite en victimologie subjectiviste : quelqu’un est à l’origine de la spoliation dont je suis victime, spoliation qui serait celle de la promesse non réalisée du capitalisme lui-même. Bref, il y a quelqu’un dans le capitalisme qui m’a ôté ma part de bonheur promise par le capitalisme !

Si on adore lister ses « privilèges » dans les milieux de la déconstruction intersectionnels, c’est pour mieux nourrir la concurrence inversée des préjudices subis en lieu et place du succès qui n’arrive pas. Le capitalisme de crise ne fait que produire toujours plus de laissés-pour-compte réclamant la reconnaissance de leur préjudice devant un Autre qui n’en a que faire. La « roue des privilèges » qui circule dans ces milieux intersectionnels est la juste illustration du cercle totalitaire de cette logique. La seule chose qui reste aux gagnants mal à l’aise, s’ils ont un semblant de justice sociale, est de dénoncer leurs « privilèges ». Aux perdants, il reste de concourir pour la meilleure place de victime en exposant à la face du monde (capitaliste) la puissance négative de leurs discriminations. Qu’on y expose ses succès ou ses cicatrices, la société capitaliste autorise ainsi toutes les perversions, pourvu que son fonctionnement principal se maintienne. Il n’est donc pas étonnant que les violeurs de Mazan se présentent presque tous comme des victimes !

Rappeler le caractère structurel du patriarcat reviendrait-il finalement à effacer la frontière entre les violeurs et les femmes violées ? Bien au contraire. La confusion entre des actes concrets — passibles de poursuites judiciaires, et c’est encore heureux ! — et la structure qui les sous-tend participe au maintien du patriarcat au nom de sa critique appréhendée du seul point de vue de sa phénoménalité, c’est-à-dire en termes de statistiques criminelles, de faits sensationnels et de porteurs biologiques d’un pénis.

Or les violeurs tirent leur pouvoir de violer de cette structure entretenue par tous et toutes. Tant que la concurrence, la compétition, le culte de la force, de la performance et du désir phallique seront les moteurs du fonctionnement social, c’est-à-dire tant que la société entière sera sous la férule d’un mode de production dont le seul but est de croître économiquement et de conquérir le monde pour nourrir la valorisation de la valeur, il n’y aura aucun changement de fond dans le patriarcat. On pourra certainement en protéger parfois les victimes — seulement certaines d’entre elles — mais on ne pourra en supprimer le terreau réel. De fait, un demi-siècle de luttes féministes, qui a vu les femmes conquérir une égalité politique et économique relative dans le patriarcat, n’a rien changé à cette structure-là. C’est cela que découvrent avec horreur l’épisode MeToo ou l’affaire de Mazan.

Il n’y a pas non plus à promouvoir le féminin comme une « valeur alternative » aussi longtemps que le « féminin » ne sera que l’encodage négatif du patriarcat. La valeur (morale) des activités de soin ou des qualités dites féminines est un sous-produit idéologique de la logique de la valeur (économique) qui informe tous les rapports sociaux. Juger les violeurs, défendre les personnes sans droits, ouvrir aux femmes le marché de la concurrence professionnelle et politique à égalité avec les hommes, promouvoir le soin et la solidarité, sont de très bonnes choses dans les circonstances actuelles. Mais elles ont surtout pour effet d’apaiser la mauvaise conscience de la domination patriarcale sans rien changer à sa structure.

Le patriarcat est le système de la reproduction capitaliste

Le patriarcat persistera aussi longtemps que, homme ou femme, pour simplement survivre je dois obtenir le meilleur classement dès l’école, puis que je dois obtenir un job et que pour l’obtenir, je dois être plus convainquant que cent autres candidats qui restent sur le carreau ; que pour le garder ensuite une fois obtenu, je dois me soumettre à tout ce qu’on exige de moi afin que la machine de production tourne au maximum ; que pour obtenir un appartement je dois posséder plus de garanties que cent autres candidats qui resteront aussi sur le carreau ; que pour être quelqu’un d’intéressant je dois dissimuler les activités de reproduction considérées comme ennuyeuses ou dégradantes tout comme je dois dissimuler mes échecs et mes faiblesses, sauf à les transformer en concours de misères. En même temps, je dois montrer continument à la face du monde le visage de la jouissance — notamment sur les réseaux sociaux — par lequel le système s’auto-confirme à tous les étages, avec la participation de tous et de toutes, les déclassés ne rêvant souvent que de retourner s’affirmer dans la même arène.

Aussi longtemps que nous consentirons à ce que des millions, des milliards de gens se contentent des miettes pour que quelques-uns continuent d’alimenter le mythe de la réussite, nous ne serons pas sortis du patriarcat. Le patriarcat producteur de marchandises repose sur le « refus de la féminité » comme espace délégué à toutes les activités non valorisables mais nécessaires, et comme horizon de castration du compétiteur perpétuel que chacun est obligé d’être pour nourrir la valorisation.

Si l’on veut sortir du patriarcat, les activités de reproduction doivent être organisées et distribuées collectivement indépendamment de tout salaire, les logements et les moyens de production doivent être des biens d’usage collectifs et sans propriété, on doit pouvoir faire du théâtre, de la musique ou de la science sans devoir remporter des places et des concours, les liens humains et sexuels doivent se créer sans définition préalable de la fonction productive des individus au sein de la société. La violence — peut-être inévitable dans les sociétés humaines — doit être codifiée par les intéressés eux-mêmes et non pour les besoins d’une économie qui nous enrôle dans son expansion permanente et se fracasse en même temps contre ses propres limites. Car supprimer le patriarcat, ce n’est pas supprimer toute violence mais supprimer la justification qu’elle se donne comme raison d’État ou raison économique.

Ce programme tombe sous le sens. Que ceux qui le trouvent idéaliste ou fleur bleue — comme il m’est souvent arrivé de l’entendre — s’interrogent sur le genre assigné à tout ce qui n’est pas l’économie, la vraie, la dure ! La fin de la concurrence capitaliste serait donc un « rêve de bonne femme » ? N’est-ce pas confirmer une fois de plus l’assignation au féminin de tout ce qui ne serait pas la loi de la valeur ? Et ne voilà-t-il pas que, pendant qu’on montre du doigt Monsieur Tout-le-monde au procès de Mazan, la logique viriliste de compétition doit être considérée comme indépassable !

Ce programme est certes une gageure dans les conditions présentes. Personne ne sait par où commencer. Mais pendant des milliers d’années, même les sociétés patriarcales, c’est-à-dire centrées sur un pouvoir social masculin, n’ont jamais à ce point méprisé l’existence et la reproduction de la vie. Aucune autre société n’a assigné le féminin à être l’envers dissocié et la surface passive d’une reproduction de la vie phagocytée par le capital.

Le procès de Mazan nous découvre ainsi la mise en scène sans filtre de ce qui doit continuer de se dérouler tous les jours à bas bruit pour que le système perdure : que quelque chose du « féminin » reste à disposition de la domination phallique pour que celle-ci continue de s’affirmer au cœur de sa propre déconfiture. La mise en avant du consentement est bien la manière la plus retorse de réclamer que tout continue comme avant. Elle privatise et normalise la structure d’imposition patriarcale en faisant d’elle une affaire contractuelle où chacun est invité à participer à sa propre soumission. Si le droit n’a pas d’autre issue, du moins la critique sociale ne doit pas laisser passer ce subterfuge.

Sandrine Aumercier, novembre 2024

Source : Grundrisse. Psychanalyse et capitalisme

 

 

Tag(s) : #Genre et dissociation sexuelle de la valeur
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