Une émission de critique radicale du projet de loi de réforme du code du travail, et de l’organisation néocapitaliste du travail, ses servitudes et ses souffrances particulières, et son idéologie managériale ; de critique radicale du travail capitaliste comme servitude et comme souffrance constitutives du capitalisme, comme aliénation et comme exploitation ; de présentation synthétique des dynamiques de crise du capitalisme, et ses effets en termes de chômage technologique et de précarisation-ubérisation-intensification du travail, et ses conséquences en termes de stratégie de lutte contre l’actuelle projet de loi de réforme du code du travail - avec Jean-Luc Debry (auteur de Départ volontaire, Editions Noir et Rouge, 2014) -
08-03-2016.
Le travail n'a jamais été aliéné (il est en soi une aliénation)
Emission du 8 mars avec Jean-Luc Debry
Le travail est une catégorie capitaliste (Anselm Jappe)
Travail abstrait et médiation sociale (Moishe Postone)
Travail fétiche (Maria Wölflingseder)
Ne réparez pas ce qui vous détruit (Streifzüge)
Le seul critère de l'émancipation humaine (Clément Homs)
Extrait du Manifeste contre le travail (groupe Krisis) :
La domination du travail mort.
Qui n'a pas désappris à penser comprend sans difficulté le caractère insensé de cette attitude. Car ce n'est pas une crise passagère que connaît la société dominée par le travail : la société se heurte à sa limite absolue. Par suite de la révolution micro-informatique, la production de "richesse" s'est toujours davantage décrochée de la force de travail humaine - à une échelle que seule la science-fiction aurait pu concevoir voilà quelques décennies. Personne ne peut affirmer sérieusement que ce processus puisse encore être bloqué, voire inversé. Au XXIe siècle, la vente de la marchandise-force de travail est assurée d'avoir autant de succès qu'en a eu la vente de diligences au XXe siècle. Mais, dans cette société, celui qui ne peut pas vendre sa force de travail est "superflu" et se trouve jeté à la décharge sociale.
Qui ne travaille pas, ne mange pas ! Ce principe cynique est toujours valable - et aujourd'hui plus que jamais, justement parce qu'il devient désespérément obsolète. C'est absurde : alors que le travail est devenu superflu, la société n'aura jamais autant été une société de travail. C'est au moment même où le travail meurt qu'il se révèle une puissance totalitaire qui n'admet aucun autre Dieu à ses côtés, déterminant la pensée et l'action des hommes jusque dans les pores de leur vie quotidienne et dans leur esprit. On ne recule devant aucune dépense pour maintenir artificiellement en vie l'idole Travail. Le cri délirant "De l'emploi !" justifie qu'on aille encore plus loin dans la destruction des bases naturelles devenue depuis longtemps manifeste. Les derniers obstacles à la marchandisation complète de tous les rapports sociaux peuvent être éliminés sans soulever aucune critique, dès lors que quelques misérables "postes de travail" sont en jeu. Et le mot selon lequel il vaut mieux avoir "n'importe quel travail plutôt que pas de travail du tout est devenu la profession de foi exigée de tous.
Plus il devient clair que la société de travail est arrivée à sa fin ultime, plus la conscience publique refoule violemment cette fin. Les méthodes de refoulement peuvent être diverses, elles ont toutes un dénominateur commun : le fait que, mondialement, le travail se révèle une fin en soi irrationnelle qui s'est elle-même rendue obsolète est transformé, avec une obstination qui rappelle celle d'un système délirant, en échec personnel ou collectif d'individus, de managers ou de "sites". La limite objective du travail doit passer pour un problème subjectif propre aux exclus.
Alors que certains pensent que le chômage est dû à des revendications exagérées, à un manque de bonne volonté et de flexibilité, d'autres accusent " leurs " patrons et politiciens d'incapacité, de corruption, d'âpreté au gain, voire de haute trahison. Mais en définitive les uns et les autres sont d'accord avec Roman Herzog (1), l'ex-président allemand : il faudrait se serrer les coudes dans tout le pays, comme s'il s'agissait de remotiver une équipe de football ou une secte politique. Tous doivent "d'une manière ou d'une autre" mettre sérieusement la main à la pâte, même si de pâte il n'y en a plus depuis longtemps ; tous doivent s'y mettre "d'une manière ou d'une autre", même s'il n'y a plus rien à faire (ou seulement des choses privées de sens). Ce que cache ce message peu ragoûtant ne laisse aucun doute : qui ne trouve pas grâce, malgré tout cela, aux yeux de l'idole Travail en est lui-même responsable et peut être tranquillement mis au rencard ou renvoyé.
La même loi du sacrifice humain vaut à l'échelle mondiale. Le totalitarisme économique broie sous sa roue chaque pays, l'un après l'autre, ne prouvant qu'une chose, encore et toujours : ces pays ont péché contre les "lois du marché". Qui ne "s'adapte" pas, inconditionnellement et sans état d'âme, au cours aveugle de la concurrence totale se voit châtié par la logique de la rentabilité. Qui est prometteur aujourd'hui sera jeté demain à la casse de l'économie. Mais rien ne saurait ébranler les malades de l'économie qui nous gouvernent dans leur étrange explication du monde. Les trois quarts de la population mondiale sont déjà plus ou moins déclarés déchet social. Les "sites" s'écroulent les uns après les autres. Après les désastreux " pays en voie de développement" du Sud et après le département "Capitalisme d'État" de la société mondiale de travail à l'Est, c'est au tour des écoliers modèles de l'économie de marché en Asie du Sud-Est de disparaître dans les enfers de l'effondrement. En Europe aussi, un vent de panique sociale souffle depuis longtemps. Et pourtant, les chevaliers à la Triste Figure de la politique et du management n'en poursuivent pas moins avec acharnement leur croisade au nom de l'idole Travail.
(Manifeste contre le travail : La suite ici.)